Monaco-Matin

Galli-Marié : le misérable destin d’une cantatrice à Vence

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Le 22 septembre 1905, Célestine est morte dans l’anonymat, sans famille, inconnue de tous, à l’hospice des Dominicain­es à Vence. Durant quatre ans, elle avait vécu la vie solitaire des personnes âgées, qui n’ont rien à partager avec autrui, et dont seuls les souvenirs continuent à éclairer l’existence. L’établissem­ent se trouvait au début de l’actuelle rue Saint-Michel. Reste une vieille porte en pierre donnant sur la rue du colonel Meyere. Qui était Célestine ? Personne ne le savait au juste dans son entourage, parmi les pensionnai­res et les religieuse­s. Elle avait 65 ans. Elle avait été recueillie à l’hospice sous le nom de Madame Delaur au moment où elle n’avait plus d’argent. Elle avait toujours gardé le secret sur sa vie passée. Qui, autour d’elle, aurait imaginé que vingt ans plus tôt elle avait été une chanteuse internatio­nalement connue et qu’elle avait créé le célèbre opéra « Carmen » ? Comme pour beaucoup d’artistes, le destin qui l’avait portée au zénith l’avait ensuite précipitée dans le gouffre. À l’époque de sa gloire, elle s’appelait Célestine Galli-Marié. Comme le raconte l’historien Raymond Ardisson dans sa revue Vence et ses environs durant les siècles, son second mari, un certain Delaur, épousé vers la fin des années 1880, l’avait amenée vivre dans sa villa à Vence, avait perdu son argent au jeu et l’avait laissée ruinée lorsqu’il était mort en 1901. « Il va falloir retrouver les membres de la famille, déclara la supérieure des Soeurs de la Charité de Nevers. » Tel était le nom exact de la congrégati­on des religieuse­s installées à Vence.

Le rôle de Carmen fait sa célébrité

Au bout d’un mois, on finit par retrouver à Versailles une descendant­e de la famille de son premier mari. Célestine, dont le nom de naissance était Mariéde l’Isle, avait épousé en 1860, en premières noces, le sculpteur Galli, mort un an plus tard, dont elle avait gardé le nom sur scène. Sa carrière avait explosé lorsqu’elle avait été la première à chanter « Carmen ». Elle avait été la vedette de la création mondiale de cet opéra, en 1875. C’est elle qui avait incarné pour la première fois le personnage de gitane fatale. L’ouvrage avait fait scandale. Le public parisien avait été choqué par l’immoralité du personnage et de l’histoire. Mais, peu à peu la musique de Georges Bizet, avait fini par séduire le public. Les représenta­tions de « Carmen » s’étaient poursuivie­s à Paris jusqu’à la vingt-etunième. Lors de cette représenta­tion, Célestine Galli-Marié eut soudain un malaise en scène. On dut baisser le rideau. Au même moment, Georges Bizet mourait subitement à l’âge de 36 ans à son domicile à Bougival, près de Paris. On n’a jamais élucidé le mystère de cette mort. Célestine Galli-Marié poursuivit sa carrière. Le 8 février 1879, c’est à elle qu’on fit appel pour être la vedette du premier spectacle lyrique donné dans le nouvel Opéra de Monte-Carlo, le « Chevalier Gaston » de Robert Planquette. L’opéra avait été inauguré quinze jours plus tôt lors d’une cérémonie où avait brillé l’actrice Sarah Bernhardt Célestine Galli-Marié chanta une dernière fois « Carmen » en 1890, ayant à ses côtés, dans le second rôle féminin, l’illustre soprano Nelly Melba - la chanteuse pour laquelle le cuisinier de Villeneuve-Loubet Auguste Escoffier créa sa « pêche ». Lorsque sa voix commença à faiblir, Célestine décida de quitter définitive­ment la scène. Elle se laissa aller à cette vie de retraitée qu’elle espérait douce auprès de son second mari à Vence. Une vie sans public, sans tapage, vouée au charme des promenades dans l’arrière-pays. Le chant appartenai­t au passé. Lors d’un séjour à Saint-MartinVésu­bie, lorsqu’on lui demanda de chanter, elle répondit : « GalliMarié n’existe plus et madame Delaur ne chante pas ! » À la demande de la famille retrouvée, son corps fut ramené à

Paris, enterré au cimetière des célébrités, le Père-Lachaise. L’inconnue madame Delaur était enfin redevenue la grande Célestine Galli-Marié. Une série de représenta­tions de « Carmen » est donnée à l’Opéra de Nice à partir d’aujourd’hui 15 heures et se poursuivra les 21, 23 et 24 mars à 20 heures.

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(Photo DR) © Photo DR Célestine Galli-Marié dans le rôle de Carmen. Les révolution­naires puisent dans la légende de Phyrné, une courtisane grecque, en exil qui aurait édifié le village d’Athénopole, le futur Grimaud (à gauche). Grimaud, des centaines d’années plus tard, au...
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