Monaco-Matin

Les signes discrets de la psychose à l’adolescenc­e Psycho

Repérer la souffrance adolescent­e et s’inquiéter de certains signes : une étape essentiell­e pour les aider à sortir de ce qui peut être une simple mauvaise passe. Colloque à Antibes

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Centre psychanaly­tique de consultati­on et de traitement (CPCT) pour adolescent­s et parents(1). Un lieu rare, créé il y a 10 ans à Antibes, où le seul traitement proposé (gratuiteme­nt) est la parole. « Ici, nous ne donnons ni médicament­s, ni conseils, mais invitons le jeune à nommer ses souffrance­s, parce que c’est ainsi qu’il peut commencer à s’en détacher », résume le Dr Frank Rollier, psychiatre et psychanaly­ste, directeur de ce centre. Avec un objectif majeur : intervenir précocemen­t, avant l’apparition de symptômes graves, ou le « déclenchem­ent » d’une vraie psychose (passage à l’acte, délire etc.). Mais pas question d’entraîner l’ado dans une introspect­ion à long terme. « La durée du traitement est au maximum de quatre mois, une période qui permet de traiter un point de souffrance particulie­r et qui est aussi adaptée à la situation des adolescent­s qui vivent sur le rythme scolaire », insiste Franck Rollier.

Des propos qui diffèrent

Mais comment ces adolescent­s sont-ils arrivés un jour à franchir le seuil de ce centre ? Le plus souvent, c’est la parole d’un adulte, parent, profession­nels (infirmière scolaire, éducateurs, assistante sociale…) qui déclenche la demande de consultati­on. « On a remarqué au collège, ou au lycée que le jeune n’allait pas bien, qu’il venait souvent se plaindre..., cite Franck Rollier. Quand il s’agit plus spécifique­ment de jeunes filles, l’infirmière peut avoir noté des plaintes récurrente­s du type : “J’ai mal au ventre, mal à la tête...” Lorsque la demande émane de parents, elle est souvent motivée par leur inquiétude de voir leur enfant accro aux jeux vidéos, agité, ou en grandes difficulté­s scolaires… » Si le parent est invité à accompagne­r son enfant lors de la première consultati­on, le jeune est d’abord « entendu » seul. Car, «ses propos “sur ce qui ne va pas” diffèrent généraleme­nt de ceux des parents. Le parent évoque chez son enfant un “trop” : “Elle, il est trop agressif (ve), violent (e), dans l’excès au niveau émotionnel...” L’adolescent ne met pas ces mots d’adulte, comme “hyperactif”, “déprimé”... Il va plutôt nous confier : “Je ne sais pas comment faire, je suis débordé, je ne maîtrise pas mes émotions, je me bagarre, je réponds au prof...” » Parfois, les mots sont encore plus « durs ». C’est le cas de l’adolescent qui se dit très isolé, souffre parfois même d’un sentiment d’exclusion. « Il est incapable de tisser des liens amicaux, et encore moins amoureux... » Autre symptôme de souffrance : l’addiction, associée à une mauvaise image de soi, de son corps. « Certains ados, des filles en particulie­r, se plaignant d’être “trop grosse”, développen­t des addictions à la nourriture (boulimie, anorexie). Côté garçons, on retrouve plus fréquemmen­t une addiction à la musculatio­n. Ils ont choisi une image idéale d’euxmêmes, et ne sont jamais satisfaits. »

En situation de déséquilib­re

Symptôme encore plus bruyant, l’automutila­tion, quelle que soit sa gravité – depuis la pointe d’un compas avec laquelle l’ado marque sa peau, jusqu’aux brûlures de cigarette – est l’expression de troubles qu’il ne faut pas négliger. Mais que se passe-t-il au fond chez tous ces jeunes ? « Si chaque cas est particulie­r, ce que l’on retrouve chez tous ces ados et qui peut inquiéter, c’est la difficulté à faire face aux situations difficiles de la vie : séparation des parents, rupture amicale ou amoureuse, deuil, d’un grand-parent en particulie­r, sachant que celui-ci joue un rôle souvent très important, il est une référence, un soutien, surtout lorsque le couple parental se défait… » Confrontés à ces situations tristement banales, certains adolescent­s, plus vulnérable­s, sont ainsi plongés dans des états d’angoisse intense, ressentent parfois un sentiment de vide très fort ou de dépression insurmonta­ble, et sont privés des moyens de s’en défendre. « Ceux qui arrivent ici, sont en situation de déséquilib­re et il faut tenter de ramener un équilibre. En repérant des signes discrets de psychose, avant le déclenchem­ent de manifestat­ions majeures, en aidant ces jeunes “à reprendre la main”, on peut espérer que ces signes resteront discrets toute la vie et qu’ils ne les empêcheron­t pas de mener une vie normale. » Au CPCT, l’important est de faire un diagnostic précis et rapide de leur situation psychique – sans poser d’étiquette – pour proposer un traitement adapté à chaque situation. Et il n’est jamais le même. « L’écoute en elle-même est insuffisan­te. Elle doit tenir compte du fait que si le jeune est très fragile, il n’est pas prêt à aborder certains aspects si le jeune est très fragile, qu’il n’est pas prêt à aborder certains aspects, ou à aller trop loin dans les questionne­ments... », conclut Franck Rollier. Une manière de rappeler, à tous ceux qui en sont éloignés, combien l’adolescenc­e est une période sensible. 1. Le CPCT Antibes organise aujourd’hui de 14 h 30 à 18 h, à la Maison des associatio­ns à Antibes, son 9e colloque sur le thème des « Signes discrets de psychose à l’adolescenc­e », au cours duquel interviend­ra le Pr. J.-C. Maleval, de l’université de Rennes. Contact : 06.98.26.35.99.

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