Ils disent ce qu’ils en pensent
Benoît Péricard analyse les programmes, des professionnels de santé livrent leurs impressions
Directeur santé chez KPMG, et co-organisateur, avec Didier Hass, des quatrièmes Rencontres santé de Nice qui se tenaient les 23 et 24 mars derniers, Benoît Péricard propose son analyse.
Plus de % des Français estiment que les candidats ne parlent pas assez de santé. Partagez-vous cet avis? Pas vraiment. Il me semble au contraire que pour la première fois, la santé apparaît comme un sujet important. Lors des élections précédentes, on en parlait en début de campagne, mais le sujet disparaissait des débats à l’approche des élections.
Comment l’expliquez-vous ? On le doit en partie à François Fillon et à ses propos sur les petits et moyens risques, qui ont suscité la polémique, voire provoqué un scandale. Ce qui l’a conduit à faire rapidement machine arrière. Il est regrettable que cela ait pris cette tournure.
Pourquoi? C’est un vrai sujet qui aurait pu être posé: celui du panier de soins. Faut-il tout rembourser dans le cadre de la sécurité sociale ou non? Que doit-on rembourser et à quelle hauteur? Quelle part revient à l’assuré? etc.
Comment analysez-vous les différents programmes? Il n’y a pas de différences majeures, mais plutôt des nuances: un «peu plus d’hôpital» à gauche, un «peu plus d’activité libérale» à droite... Concernant les maisons de santé plurisciplinaires par exemple, tous disent la même chose: il faut les augmenter. La seule différence, c’est qu’à droite, on parle de maisons associant des libéraux, alors que Benoît Hamon et JeanLuc Mélenchon, évoquent des centres de santé avec des salariés.
Le consensus est moins sensible sur la question du tiers payant généralisé, auquel une majorité de médecins restent opposés. Je considère qu'il s’agit là d’un problème purement technique. Au moment où les pharmaciens l’ont généralisé, et alors que le paiement sans contact est désormais une réalité, les médecins ont tort de s’y opposer. Je regrette que l’accent ne soit pas davantage mis sur les méthodes, la façon de s’organiser… La réalité des choses en santé ne peut être réduite à des positionnements idéologiques: il n’y a pas un patient de droite ou de gauche, face à un médecin de droite ou de gauche. Mais un patient face à un médecin.
Pourquoi notre système de santéest-il si difficile à réformer? Il est très diversifié, certains diraient qu’il souffre de trop de richesses. On est malheureusement plus «intelligent» en situation de pénurie. Et c’est ce qui s’annonce: dans les ans à venir, nous allons être confrontés à un vrai problème de démographie médicale, avec un bataillon de médecins, nés entre et , qui vont partir à la retraite. C’est maintenant qu’il faut trouver des solutions, on n’a pas de temps à perdre. Les politiques sont tétanisés par toutes les mesures coercitives.
Quelles solutions pourriez-vous leur souffler ? Les problématiques sont complexes et il n’y a pas de solutions uniques. Mais, il est essentiel d’injecter plus de souplesse, de régionalisation et de responsabilité… Et si quelqu’un ne remplit pas la mission qui lui est confiée, c’est un autre qui est désigné.
Un mot à destination de celui (ou celle) qui succédera à Marisol Touraine? Le ministre de la Santé du prochain gouvernement devra faire preuve d’humilité : son souci ne doit pas être de voir son nom accolé à une loi, passé à la postérité – quels que soient les dégâts que cette loi peut laisser derrière elle – mais de s’atteler à trouver des solutions.