La semaine de Roselyne Bachelot
Lundi
Un attentat dans le métro de SaintPétersbourg fait treize morts et quarante-neuf blessés. Une filière kirghize serait à l’origine des faits et l’on sait que le Kirghizistan est grand fournisseur de combattants djihadistes pour l’Etat islamique. Dans une Russie où le dispositif policier est massif et les atteintes aux libertés publiques avérées, cette affaire aura au moins le mérite de nous amener à nous interroger sur les limites des démarches sécuritaires – entre état d’urgence et renforcement des contrôles – pour nous protéger du terrorisme.
Mardi
Grande première dans une campagne présidentielle, les onze candidats se sont retrouvés pour le débat organisé par les chaînes BFMTV et CNews. Je suis désolée mais je ne rejoindrai pas le camp des bisounours qui y ont vu une avancée de la démocratie. L’échange a été d’une pauvreté intellectuelle navrante n’apportant aucun élément aux électeurs de bonne foi qui tentent d’affermir leur choix d’autant que les deux animatrices ont été réduites au rôle de garde-chiourme de l’horloge interrompant pour cela sans arrêt les protagonistes et empêchant toute cohérence programmatique. Les combattants étaient divisés en deux camps, les cinq « grands » qui tentaient avec plus ou moins de bonheur d‘éviter les balles perdues et les « petits » qui ne voulaient pas laisser échapper l’opportunité du fameux quart d’heure de célébrité promis à tout un chacun par Andy Warhol. Les commentaires post match ont été à la mesure de la vacuité abyssale des échanges en ne jugeant que les postures et les petites phrases. A cette évaluation qui pourrait ressortir du jury de Danse
avec les stars, le gagnant est [musique angoissante destinée à créer le suspense] Philippe Poutou ! Impoli et dépenaillé, il avait tout pour plaire dans un monde médiatique qui privilégie la vulgarité et l’humiliation. Mais tout cela n’est que de l‘écume. Plus grave : quasiment personne ne relève l’imposture ontologique d’une homme qui dit représenter la classe ouvrière alors que Marine Le Pen capitalise % du vote ouvrier, Jean-Luc Mélenchon % et Emmanuel Macron %. Même François Fillon avec ses % fait mieux que lui ! Pas plus nombreux sont ceux qui situent le parti de monsieur Poutou, le NPA, nouveau nom de la Ligue communiste révolutionnaire, dans ce qu’il est, un parti trotskyste qui prône l’appropriation des moyens de production par la violence. Monsieur Poutou est donc un ennemi objectif de la démocratie et des valeurs de la République. Faut-il que nous ayons perdu nos repères et nos références pour le juger « rigolo » ou « rafraîchissant », alors que ses idées sont sinistres et glaçantes. Pendant ce cirque, les avions de Bachar al-Assad bombardent et gazent KhanCheikhoun, ville au nord-ouest de la Syrie, tuant au moins personnes dont enfants. Horreur absolue.
Jeudi
C’était au tour d’Emmanuel Macron d’affronter l’épreuve de l’Emission politique sur France . Reconnaissons qu’il ne s’en est pas mal tiré et les téléspectateurs ne s’y sont pas trompés en lui accordant la plus forte audience et le plus grande capacité de conviction de tous les candidats invitésàce programme présidentiel. Décidément, j’ai de plus en plus de mal avec les concepts de cette émission. Je pensais avoir touché le fond avec madame Angot face à François Fillon. Je m’étais trompée ! Au chapitre des guignolades destinées à faire le buzz, nous avons eu le journaliste de Fakir François Ruffin demandant à Macron de remplir un chèque à l’ordre du CAC . Ce n’était plus Danse avec les stars mais bien Touche pas à mon
poste. Bon, plus que seize jours à tenir… les écarts se resserrent, les favoris désignés par les sondages sont à la baisse, Fillon et Mélenchon remontent au coude à coude. Ceux qui, fin , avaient désigné les vainqueurs doivent avoir les miquettes !
Vendredi
Dans un article fondateur écrit en , Die Verneinung, la dénégation, Sigmund Freud explique le processus qui amène un sujet à formuler un sentiment refoulé en niant qu’il s’y réfère. L’empressement des services de communication de la Maison-Blanche à assurer que la décision de Donald Trump de bombarder la base syrienne dal Chaayette ne relevait pas d’un « processus émotionnel » est en soi un aveu. Cela en dit long sur les pulsions égotistes et l’impulsivité d’un président des Etats-Unis qui communique en insultant les journalistes, en niant les évidences et en tweetant des mensonges. Il ne faut pas manquer de culot pour reprocher à Barack Obama de n’être pas intervenu à l’été en Syrie alors qu’il s’était lui-même opposé à une telle intervention. Il nous raconte maintenant que c’est en voyant les images des enfants gazés qu’il a changé d’avis ? Allons monsieur Trump, toutes les agences de presse et les associations humanitaires diffusent depuis des années les images des atrocités commises par le dictateur syrien ! Cela étant, beaucoup – y compris parmi les adversaires de Donald Trump – applaudissent ces représailles et on comprend leur indignation. Mais le massacre de KhanCheikhoun, à tout le moins, laisse perplexe quand on veut bien dépasser le stade de l’émotion. Quel avantage tire donc al-Assad de cette opération qui met ses alliés dans un corner et l’expose à des sanctions inévitables ? Y aurait-il une tentative de déstabilisation du régime menée par des opposants encore mal identifiés ? Quel est le rôle de Daesh dont il faut se rappeler que la responsabilité avait été mise en cause dans l’attaque chimique de la Ghouta d’abord imputée aux forces syriennes ? Quel jeu joue le clan des faucons de la CIA ? Et l’Iran dans tout cela ? Les commentateurs qui se sont succédé sur les plateaux des chaînes d’info ont bien posé les bonnes questions mais les réponses ont surtout consisté à égrener des hypothèses. Décidément, vers le Moyen-Orient si complexe, nous ne cessons d’aller avec des compassions intermittentes et des idées simplistes.
Samedi
Nous avons commencé cette semaine avec les morts de Saint-Pétersbourg, nous l’avons traversée avec les vaticinations de la campagne présidentielle et la mort des petits enfants syriens, nous la terminons avec le deuil de Stockholm. Comment ne pas évoquer les derniers mots de Macbeth : « Une histoire pleine de bruit et de fureur, racontée par un idiot et qui ne signifie rien… »
«Poutou ? Faut-il que nous ayons perdu nos repères et nos références pour le juger “rigolo” ou “rafraîchissant”, alors que ses idées sont sinistres et glaçantes. »