Commencer par organiser la prise en charge h : trois terroristes mitraillent un centre aéré
2 h 30, hier. Trois terroristes attaquent le centre de loisirs du boulevard Impératrice-Eugénie à Nice. Ça mitraille sec. Rafales de Kalach’. Les assaillants prennent tout le monde en otage. Des enfants. Beaucoup. Et des parents. Les forces armées interviennent… 13 h 15 , le site est sécurisé «à 95 % ». Les équipes médicales interviennent. Go ! Chaque minute compte. Chaque minute est une vie. Énormes sacs vissés sur le dos, visages graves, les médecins, infirmières et pompiers – qui participent à cette simulation d’attentat – courent. Poussent la porte du centre. Des cadavres, des râles, du sang, des bébés qui hurlent, des parents paniqués… Des corps enchevêtrés en haut, dans des escaliers, des couloirs, l’étage inférieur. Il faut faire très vite. Comprendre l’agencement des lieux : les victimes sont disséminées sur trois zones et deux étages. Répertorier les blessés – joués pour l’exercice par des étudiants en médecine et de futures infirmières. Qui est en UA (urgence absolue) ? Qui en UR (urgence relative) ? S’organiser. « C’est essentiel. Il faut commencer par se détacher de l’envie de soigner et organiser la prise en charge», explique Jean-François Ringeval, infirmier formateur et ancien militaire. C’est lui qui a imaginé le scénario de cette simulation d’attentat sur des enfants. Il coordonne l’exercice, entouré de quatre observateurs, qui filment le déroulé de la (fausse) intervention pour le débriefing de fin de journée : Baptiste Donato, infirmier à Lenval, Nadia Parravano, aide-soignante, Charlotte Rémond, médecin, et Nicolas Galliano médecin du Samu 06. 13 h 30. Électricité coupée. L’équipe médicale progresse à la lampe torche. « Bonjour, vous m’entendez ? » ,demande un médecin en se penchant sur une jeune fille qui a une balle dans le mollet. « Ici, c’est une détresse respiratoire », crie une infirmière juste à côté. « On a un nourrisson qui ventile à 20, il est perfusé, inconscient, c’est une extrême urgence ! », entend-on un peu plus loin. Très vite, la « stagiaire » Sonia Reiter – médecin du Samu à Gap – est chargée de la coordination de l’opération. Elle appelle les hôpitaux, détaille la liste des blessés, cherche des prises en charge et des ambulances, travaille à identifier les victimes, court d’une zone à l’autre pour communiquer les infos aux équipes. On distribue des couvertures de survie, perfuse à tour de bras. On gère avec les moyens du bord, en bricolant un bras à perfusion avec un manche à balai glané ici, on soigne à même le sol, là. Garrots, pansements israéliens, exsufflations et oxygène à la chaîne. Comme des robots. Sauver, sauver, sauver… Dans une salle en bas, un papa pète les plombs. Il tient dans ses bras Oualid (un mannequin tête maquillé de sang) de 9 ans. Parfait dans son rôle de perturbateur, il hurle : « Non, je ne laisse pas mon fils ! Occupez-vous de lui ! Mon fils est en train de mourir ! » Les soignants tentent de le calmer et prennent en charge l’enfant. 14 h 18, on vient de détecter un colis suspect (fictif). « Il faut évacuer dans le quart d’heure », prévient le formateur, Jean-François Ringeval. Regrouper les survivants, les transporter jusqu’aux ambulances. « On a besoin de deux matelas coquilles ici », tente une infirmière. Le matériel manque. Le temps aussi. On finit par évacuer trois nourrissons sur une porte dégondée et improviser des brancards avec des bancs retournés. « On a tout le monde ? », demande Sonia. Elle fait un dernier tour du centre de loisirs : vide. Gyrophares, sirènes, les ambulances filent vers les urgences pédiatriques de Lenval. Exercice réussi, pour Jean-François Ringeval : « Tout le monde a été évacué le centre avant l’explosion. Les démineurs peuvent intervenir. » Fin de la simulation. Reste à débriefer tous ensemble. Repérer les erreurs, apprendre des faiblesses pour être plus forts en cas de vrai attentat.