Monaco-Matin

Hubert Avoine: «L’infiltré» ne vous salue pas bien!

Dans le livre choc, cet ancien « infiltré » dans les plus gros cartels de drogue accuse la police française de nourrir un réseau sans contrôle. Initié sur la Côte d’Azur, il nous livre sa vérité

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Il a une gueule de cinéma, version polar d’Audiard. Mais c’est dans l’ombre que Hubert Avoine a tenu un rôle majeur. Recruté par l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiant­s (OCRTIS). « Infiltré ». Ni vraiment indic ni policier. Un gars que l’on envoie en première ligne, glaner des renseignem­ents contre le grand banditisme. Après avoir fait ses « premières armes » sur la Côte d’Azur, Hubert Avoine infiltrera l’un des plus gros cartels mexicains. Avant d’accuser un système policier français, dont son ancien patron et « ami » François Thierry (récemment placé en garde à vue, consécutiv­ement à la saisie de 7 tonnes de cannabis par les douanes), qui alimentera­it le trafic sans réel contrôle. Malgré une procédure en cours, L’Infiltré donne sa part de vérité dans un livre paru chez Robert Laffont. À Nice-Matin aussi. ALEXANDRE CARINI « Infiltré » : ni indic ni flic ? Un indic a une dette envers la justice, on lui laisse faire certaines choses en échange de renseignem­ent contre X, mais ce n’était pas mon cas. Quand on n’est pas connu de ces milieux, il faut s’y infiltrer ! Je n’avais pas vraiment de statut, mais j’étais enregistré au bureau central des sources, avec un numéro de référence au SIAT (Service Interminis­tériel d’assistance technique). Je ne suis pas un barbouze !

Vous décrivez Cannes : «Les clubs, les palaces et les casinos aimantent autour de la Croisette une faune hétéroclit­e, jeunes caïds, vieilles gloires du milieu, intermédia­ires véreux et affairiste­s de tous poils » ? Elle a aussi de bons côtés ! Le Festival, la belle vie, mais elle attire nombre de gens qui évoluent entre deux eaux. Je m’y suis rendu lors du sommet France-Afrique en , et l’on m’a présenté un Corse à problèmes judiciaire­s. Cela a Lors d’une opération à Nice, l’expatron de la PJ, le commissair­e Dominique Abbenanti, est votre référent. Ce policier-là est resté dans vos papiers. Comme l’immense majorité des policiers que j’ai rencontrés, Dominique est quelqu’un de bien, avec des valeurs… Ça veut pas dire qu’il n’y a pas d’exception !

Quelle était cette mission ? Le cartel mexicain que j’ai infiltré voulait faire blanchir l’argent de la drogue sur la French Riviera .Un de leur boss voulait même y préparer sa retraite. J’ai organisé une rencontre avec ses émissaires, je les ai baladés lors d’une soirée au port, en liaison avec la PJ et le parquet de Paris. Comment avez-vous inspiré confiance à de tels bandits ? Il n’y a pas de règle, c’est une question de contact. Est-ce qu’on sait pourquoi on charme une femme ? Depuis des tractation­s pour la libération d’Ingrid Betancourt, ils me prenaient pour un envoyé direct de la présidence de la République, et comme ils ont l’habitude d’acheter tout le monde, y compris des

Vous n’avez pas craint pour votre vie ? On se sent en permanence en danger, sinon c’est qu’on est totalement barjot ! On peut toujours commettre une erreur, et ces gens-là n’ont pas besoin d’un tribunal pour prendre une décision capitale. Il y a une tension, et l’on se surprend souvent à faire le signe de croix.

Il y a Gabriela, du cartel de Chapo Guzman, avec laquelle vous êtes en étroite liaison… jusqu’à son interpella­tion. Je savais comment ça finirait dès le départ, mais on croit toujours pouvoir retourner le contact avec lequel on s’est lié. De par son rôle dans l’organisati­on de Chapo Guzman, il était évident qu’elle devrait un jour payer la facture. C’est une personne qui a fait de grandes études, avec laquelle je pouvais débattre de tout, mais il ne faut jamais oublier qui elle est. J’ai oeuvré à démanteler l’aspect financier du cartel, je n’ai jamais vu un gramme de drogue ni assisté à des tortures et assassinat­s. Et le commissair­e Thierry, ex-patron de l’ORCTIS, qui vous prend un peu sous son aile ? Ah ! lui c’est un séducteur ! Du charisme, brillant, intelligen­t, mais tout aussi menteur et manipulate­ur. J’ai le sentiment d’une trahison totale. On avait fait ami-ami, il m’a mis dans une situation très compliquée, y compris pour mon intégrité physique.

Par la mise en place d’un réseau de drogue hors contrôle ? C’est un système qui embauche les plus grands trafiquant­s, juste pour en arrêter quelques petits. Un gros dealer européen a obtenu pignon sur rue à Paris contre quelques saisies, sans aucun réseau démantelé si ce n’est ceux de ses concurrent­s ! Des quantités énormes de drogue ont transité sur notre territoire, dont on attend toujours les éléments de justificat­ion. Aucun juge d’instructio­n n’avait donné son autorisati­on.

Une procédure est en cours, à la suite de votre courrier adressé au procureur Molins et à l’enquête de l’IGPN ? Moi, je veux qu’on m’explique à quoi j’ai participé exactement, en dehors de l’arrestatio­n de Chapo Guzman. Je veux savoir si je me suis retrouvé à mon insu dans une associatio­n de malfaiteur­s, plutôt que dans la lutte réelle contre le trafic de stupéfiant­s.

Votre vie aujourd’hui ? Je travaille pour une société de conseil en Suisse, notamment pour des pays étrangers. Je vis sous ma vraie identité, celle que m’ont donnée mes parents. Avec ce livre, me suis-je mis en danger ? Il faut prendre ses responsabi­lités.

‘‘Mon histoire pourrait faire l’objet d’un film” ‘‘ Il faut plus de contrôle dans la lutte antistups ”

Et vos liens avec la Côte d’Azur ? Je viens de la fonction publique, je n’ai jamais eu de lien véritable avec le milieu. Même si j’adore cette région, la Corse et la Côte d’Azur ne sont plus des lieux de villégiatu­re appropriés pour moi.

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commencé comme ça… gouverneme­nts…

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