Monaco-Matin

La Seyne, au carrefour des coïncidenc­es

- E.M.

Dans cet hôtel de La Seyne-surMer, construit sur le modèle des motels américains, on accède aux chambres par des coursives extérieure­s. En fin de matinée, les chariots du personnel d’entretien entravent le passage, les studettes tout juste libérées sont préparées pour les nouveaux arrivants. Le soir, ce mercredi 13 avril 2011, la Citroën C5 de Xavier Dupont de Ligonnès glisse sur le parking réservé à la clientèle. « Je ne peux

rien vous dire, balaie, six ans plus tard, le responsabl­e de l’hôtel Première Classe, je n’étais pas là, et toute l’équipe a changé… » La réceptionn­iste confirme d’un hochement de tête. L’étape seynoise de l’auteur présumé de la tuerie de Nantes reste une énigme dans l’énigme. Dupont de Ligonnès quitte l’agglomérat­ion d’Avignon à 10 h 30. Roquebrune-sur-Argens – le terminus de son périple connu – n’est qu’à deux heures d’autoroute. Mais le quinquagén­aire effectue un détour par l’ouest-Var.

Un détour discret

« Xavier Laurent », le nom sous lequel il s’enregistre à l’hôtel, a coupé son portable. Il paie en espèces. « Quand il ne veut vraiment pas être “traçable”, personne ne peut ni le localiser, ni le retrouver », observe une spécialist­e de l’affaire (1).

Le voici donc à La Seyne et on ne sait pas ce qu’il y fait. S’il jette un oeil sur l’actualité de ce jour-là, cette histoire de serial killer, insaisissa­ble aux USA, a pu attirer son attention. «Un psychopath­e avec beaucoup de sang-froid. » À Nantes, la disparitio­n de la famille Dupont de Ligonnès commence tout juste à intriguer le voisinage.

Des souvenirs de jeunesse

La présence du quinquagén­aire dans l’agglo toulonnais­e conforte l’hypothèse d’un pèlerinage existentie­l. Xavier Dupont de Ligonnès a vécu en jeune célibatair­e à La Seyne au début des années quatreving­t. C’est sa période « pinces de plage », écrira-t-il lui-même dans une note intime, exhumée des profondeur­s du Web. On l’imagine à 20 ans, au volant de sa décapotabl­e, filant sur la corniche de Tamaris, pour aller vendre des articles de plage aux Sablettes. Troublante piste : peu de temps avant le quintuple meurtre, « Xav » aurait proposé des retrouvail­les à un ancien flirt, au nom de ce bon vieux temps.

Un lieu de pèlerinage

Une autre coïncidenc­e, inédite, nous fait se heurter à de hauts murs, sertis de tessons de verre, dans les faubourgs de La Seyne. Une minuscule communauté catholique vit là, autour d’une chapelle et d’un sanctuaire. L’endroit

aurait été fréquenté par une religieuse, véritable icône chez les Dupont de Ligonnès. « De 1954 à 1958, elle se rendait parfois à Toulon et à La Seyne, au monastère des religieuse­s Camaldules. » Le mythe de cette soeur, taxée d’illuminée par ses détracteur­s, est entretenu par la mère de XDDL. La religieuse mystique est liée à un miracle (non reconnu) dont le secret a été gardé par une poignée d’initiés… Geneviève Dupont de Ligonnès en faisait partie. C’est dire l’importance du personnage qui se rend au monastère des Camaldules. Sauf que Xavier Dupont de Ligonnès, en proie à des tourments théologiqu­es (2), affirme avoir rompu avec ces histoires de «statues et photos du Christ qui saignent ». La piste de ce pèlerinage de La Seyne semble définitive­ment brouillée. 1. Anne-Sophie Martin, auteure de Le Disparu, Ed. Ring, 2016, 18 euros. 2. Le quinquagén­aire, expliquant être tombé des nues quand il a cessé de croire aux « certitudes » reçues de son éducation religieuse, a inondé un forum catholique de messages, jusqu’en avril 2011.

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