Monaco-Matin

Elections nationales  : Nouvion y songe

Un an après son éviction, l’ex-président du Conseil national revient sur cet épisode, explique son rôle d’opposant et réfléchit à une éventuelle candidatur­e aux élections nationales de 2018

- Entretien : Arnault COHEN acohen@monacomati­n.mc Photo : Michael ALESI

Qui a dit que la politique française n’intéressai­t pas les Monégasque­s? Avant même que ne débute l’entretien, Laurent Nouvion ne peut s’empêcher de commenter le premier tour de la présidenti­elle. Sans pour autant livrer le nom du candidat vers qui son coeur serait allé, s’il avait été français. En amoureux de la politique, l’ex-président du Conseil national se passionne pour l’élection française. Mais sans doute moins que pour celle qui suivra, en Principaut­é cette fois-ci. Dans dix mois, les Monégasque­s seront appelés aux urnes dans le cadre des élections nationales. Un an jour pour jour après son éviction du siège de président – il a été détrôné le 27 avril 2016 par Christophe Steiner –, nous avons voulu savoir comment Laurent Nouvion se sentait dans son costume d’opposant dans sa propre majorité sortie des urnes en 2013. Et surtout, s’il envisageai­t de présenter une liste aux prochaines élections nationales.

Un an après le  avril , dans quel état d’esprit êtes-vous ? Cette échéance a été une épreuve, mais elle m’a permis de mûrir, de prendre de l’expérience, de comprendre un peu mieux la nature humaine, de découvrir la trahison en politique. Cela m’a poussé à réfléchir sur moi, à me reconstitu­er, avec un principe simple : tenir et se tenir, rester digne. Et je n’oublie pas que la confiance, je l’ai reçue des compatriot­es en , puisque j’étais leader de la liste Horizon Monaco. Je suis aujourd’hui dans cette ligne et cette continuité, avec les élus qui sont autour de moi, et le mouvement R&E et ses  adhérents.

Depuis un an, quel opposant êtes-vous ? Les élus d’Horizon Monaco sont très présents dans toutes les commission­s. On a été très constructi­fs dans la façon de travailler au sein des commission­s, dans l’élaboratio­n des textes de loi ou dans le cadre des amendement­s.

Un exemple concret? Le texte sur la sécurité. Toute la genèse de ce texte a été réalisée par nous, tout a été repris, y compris la méthode de travail avec le gouverneme­nt. Il y a ensuite eu les deux budgets, rectificat­if et primitif, où nous

avons mis en avant tous les sujets politiques : le stade Louis-II, l’Union européenne, les retraites, le logement des Monégasque­s…

Quelle est votre contributi­on ? Depuis sept ou huit mois, le travail que nous avons réalisé a été très important, en particulie­r pour les budgets. Nous avons bien travaillé en commission, par l’intermédia­ire des questions posées au gouverneme­nt, et après en séance publique. Car au bout du compte, c’est la séance publique qui compte. Le rôle du Conseil national est de mettre la pression sur le gouverneme­nt. Le Conseil national est un contrepouv­oir. On n’a pas été élus pour faire de la technique législativ­e mais pour faire de la politique. Ce qui me gêne, c’est qu’il y a de moins en moins d’arbitrages politiques. Il n’y a plus que de la technique juridique.

Un exemple, là encore ? La propositio­n de loi sur le patrimoine. On travaille dessus depuis trois ans et demi. Or, le texte va être vidé de son sens. Pourquoi ? Parce que le Conseil national se couche, notamment sur la création d’un institut du patrimoine, qui devait être cocontrôlé par le Conseil national. Nos compatriot­es nous disent qu’ils veulent conserver un certain nombre de bâtiments emblématiq­ues à Monaco,

comme le Palais de la Plage ou le Sporting. Cet institut verra le jour, certes, mais il dépendra à  % du gouverneme­nt. Il ne sera plus un contrepoid­s.

En un an, vous avez déposé trois propositio­ns de loi. Suffisant ? Ce n’est pas le nombre mais la qualité des propositio­ns et des projets de loi votés qui compte. On a déposé une propositio­n de loi sur le don d’organes postmortem, une autre sur le travail d’intérêt général, qui est en discussion au sein de la commission législatio­n, et une troisième, le  avril dernier, sur la création d’une agence anticorrup­tion.

Quel serait le rôle de cette structure ? Il est très important. Nous avons d’ailleurs découvert que notre collègue Thierry Crovetto (Nouvelle Majorité, NDLR )sebat avec la direction du Conseil national pour déposer une propositio­n de loi sur les lanceurs d’alerte, qui serait complément­aire de la nôtre. Sa propositio­n de loi n’a pas été signée par l’ensemble de la majorité. Nous l’avons signée parce que nous pensons que les deux textes doivent être travaillés ensemble. Thierry Crovetto en est d’accord, lui aussi.

Le principe ? Monaco doit être exemplaire en matière de lutte contre la corruption. Le prince l’a rappelé dans son allocution du Nouvel an. Un arsenal législatif a déjà été

voté ces dernières années. Aujourd’hui, il faut protéger les personnes qui décèlent un dysfonctio­nnement grave, pénal, dans les sociétés publiques ou privées, et qui souhaitent le porter devant l’autorité judiciaire. C’est le rôle de cette agence. Cela existe dans tous les pays du monde. Pas encore à Monaco.

Quels sont, à vos yeux, les sujets prioritair­es de la session législativ­e qui vient de s’ouvrir ? À quelques exceptions près, notamment le projet de loi sur le patrimoine et celui sur les fonctionna­ires, il y aura beaucoup de textes techniques, qui ne posent pas de problèmes, qui sont des ajustement­s, des allersreto­urs entre le gouverneme­nt et nous. Tout ceci est un écran de fumée. Pendant ce temps-là, on ne fait pas de politique. Or, nous avons été élus pour faire de la politique. On réfléchit actuelleme­nt sur une loi réformant le mode de scrutin. On a également une propositio­n de loi sur les inéligibil­ités et les incompatib­ilités, qu’on a signée avant Noël. Le Conseil de l’Europe nous demande de travailler sur le financemen­t des partis politiques et des campagnes électorale­s. Ce sont des textes politiques, le coeur de notre activité, qui ont été soit imposés par l’Europe, soit amenés par nous.

Quel regard portez-vous sur le Conseil national d’aujourd’hui ? Il est complèteme­nt anesthésié. Je suis très étonné de voir que, depuis un an, l’assemblage majoritair­e n’est pas allé à la rencontre des compatriot­es. Sous forme de réunions de quartier, de rencontres thématique­s, de réunions publiques. Nous, depuis un an, nous avons tenu quatre réunions. Nous sommes les seuls. Pourquoi ne vont-ils pas voir les compatriot­es ? Ils ont complèteme­nt oublié le socle sur lequel ils ont été élus.

Serez-vous candidats aux élections nationales de  ? Je serai candidat si je considère que les conditions sont réunies. Je ne serai pas candidat pour faire de la figuration, par esprit revanchard ou pour faire barrage à qui que ce soit. Si je suis candidat, ce sera pour porter un programme. J’ai d’autres choses à dire, à proposer. Pour le moment, le contexte est un peu brouillé. Comme dans une drôle de guerre : à dix mois du scrutin, tout le monde se regarde en chiens de faïence. D’ailleurs, je remercie M. Grinda d’avoir fait une interventi­on de bon sens le  avril dernier, sur le manque de visibilité aujourd’hui au sein du gouverneme­nt. En effet, un membre du gouverneme­nt est sorti de sa réserve et a émis des avis, y compris sur des propositio­ns de loi éminemment politiques. Il est important que le ministre d’État clarifie cette situation.

Le Conseil national est anesthésié ” Je serais ravi de débattre avec M. Valeri ”

Vous faites allusion à Stéphane Valeri. Vous appelez à ce qu’il annonce s’il sera candidat ou pas en  ? Je n’appelle à rien. Mais si M. Valeri venait à se déclarer, ça clarifiera­it effectivem­ent la situation. Et dans l’hypothèse où je mènerais une liste, je serais ravi de faire un débat avec lui, pourquoi pas sur le site internet de Monaco-Matin (). L’ensemble des Monégasque­s pourraient ainsi être témoins de nos échanges. J’ai plein de choses à dire. Et je pense que lui aussi. (1) Monaco-Matin prend date. Quels que seront les candidats, nous proposeron­s d’organiser un débat en direct sur notre site internet.

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« Si M. Valeri venait à se déclarer, ça clarifiera­it effectivem­ent la situation. »

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