Monaco-Matin

Le SOS de Sophie : « Ma fille de  ans se radicalise »

Sophie, une restauratr­ice des environs de Nice, assiste, impuissant­e, à la dérive d’Amandine, 15 ans, fascinée par l’islam radical. Récit d’une mère aussi consternée qu’angoissée

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Ala fête du village, Amandine (1) est venue accompagné­e de « ses frères » pour reprendre ses propos. Des jeunes d’origine tchétchène. Quand l’épicière a salué Amandine, 15 ans, par son prénom, l’un des jeunes a rectifié : « Elle ne s’appelle pas Amandine, elle s’appelle Safia. » L’anecdote est révélatric­e de la conversion de l’adolescent­e dont la fascinatio­n pour un islam radical ne se dément pas. Son ordinateur et ses téléphones sont actuelleme­nt entre les mains des spécialist­es de la police judiciaire. Un juge des enfants a été saisi du dossier. Amandine est frappée par une interdicti­on de sortie du territoire. Une décision administra­tive qui ne parvient pas à rassurer Sophie, sa mère, qui élève deux autres jeunes enfants: « Il suffit qu’elle se procure un faux passeport… »

En niqab

Derrière de larges lunettes fumées, Sophie, restauratr­ice, livre l’angoissant récit d’une mère désemparée face à la lente et inexorable dérive de sa fille. « Depuis notre déménageme­nt de Saint-Laurent-du-Var, Amandine n’allait pas bien. Sa scolarité en 3e s’est mal passée. Elle a commencé à avoir de mauvaises fréquentat­ions. » Amandine et son joli visage de Madone se scarifie les bras. Une psychologu­e est alors chargée du suivi de l’adolescent­e en crise. La situation semble se normaliser. Après les épreuves du brevet, Amandine demande la permission de passer la nuit chez Ines, dans le quartier Bon-Voyage à Nice. Sa mère cède. Quelques heures plus tard, l’une de ses amies alerte Sophie : « Sa fille venait de recevoir une photo sur Snapchat où Amandine et Ines apparaissa­ient voilées de la tête aux pieds. » Sophie découvre sur le Facebook de sa fille qu’elle s’est convertie. Sophie téléphone à Amandine qui lui ment, prétend qu’elle est dans un fast-food, que son compte a été piraté. « On a piraté aussi ton visage sur la photo ?» rétorque sa mère, de plus en plus inquiète. La psychologu­e est appelée à la rescousse. Elle échoue à faire entendre raison à l’adolescent­e. Sophie se rend sur place. La mère d’Ines dédramatis­e, parle d’un déguisemen­t. « J’ai pété un plomb », avoue Sophie qui confisque tous les appareils multimédia de sa fille et découvre des photos de musulmanes en armes. Sophie tente néanmoins de poursuivre le dialogue avec sa fille. En vain. Son ex-mari, qui voit de plus en plus rarement sa fille, n’a pas plus de succès.

La police judiciaire enquête

Plus le comporteme­nt d’Amandine est inquiétant, plus Sophie est intrusive; plus sa mère est intrusive, plus sa fille est radicale. Sophie découvre que le soir de la fameuse photo en niqab, les deux copines sont allées dans une salle de prière clandestin­e. Amandine finit par fuguer. Sophie se rend sans attendre au commissari­at Foch à Nice. Elle est orientée vers la cellule spécialisé­e de la police judiciaire : « Ils ont immédiatem­ent pris l’affaire au sérieux. En une heure, elle était retrouvée. » Les investigat­ions, notamment l’analyse des ordinateur­s, sont en cours. Sophie en redoute les conclusion­s. Entretemps, elle et sa fille sont allées en Corse chez des amis pour couper avec cet environnem­ent néfaste. « Je voulais la laisser là-bas mais Marcel Rufo, le pédo-psychiatre m’a dit que ce serait une catastroph­e. Il est intervenu pour qu’un de ses collègues de l’hôpital Lenval puisse voir Amandine .» Le premier rendez-vous est prévu dans le courant du mois de mai. En attendant, une musulmane tunisienne a parlé du Coran, du vrai à la jeune fille. En réponse, Amandine a quitté son petit copain, trop modéré à ses yeux... Sophie tente de faire face malgré cette horrible année. Les pouvoirs publics lui ont proposé de rencontrer d’autres parents dans la même situation. Sophie n’y voit pas d’intérêt. Amandine ne mange plus de porc, s’entraîne à un sport de combat. Son prosélytis­me dans le lycée privé a conduit la direction à l’inviter à changer d’établissem­ent à la rentrée prochaine. «C ela fait peur, parce que les politiques ne semblent pas avoir de solutions », constate Sophie qui masque son désarroi derrière ses lunettes noires. Elle redoute plus que jamais le basculemen­t de sa fille si fragile. « Elle qui a toujours été sensible à la détresse des autres est une proie facile. » Amandine fêtera ses 16 ans en juin. 1. Les prénoms ont été modifiés.

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(Photo AFP) C’est ce genre de photos qu’a découvert Sophie en fouillant le téléphone portable de sa fille.

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