Monaco-Matin

Une exposition monumental­e

À partir d’aujourd’hui, les oeuvres monumental­es de Philippe Pasqua inviteront les visiteurs du Musée océanograp­hique à s’interroger sur leur rapport à l’environnem­ent

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Depuis son origine, le Musée est dédié à la connaissan­ce et à la protection des océans, mais il a aussi toujours eu les portes grandes ouvertes sur l’art. En étudiant par la science, on parle au cerveau des visiteurs, à leur raison. Ça ne suffit pas. L’art est un outil beaucoup plus puissant pour toucher la conscience », estime Robert Calcagno, le directeur du Musée océanograp­hique. Touché, on l’est face à ces oeuvres monumental­es, de plusieurs mètres, comme cette énorme mâchoire chromée de mégalodon, l’ancêtre du requin. Exposée grande ouverte sur fond de miroir, dès l’entrée de l’exposition, elle invite le visiteur à plonger dans la gueule de la science, en toute conscience.

« Des oeuvres qui peuvent choquer »

C’est la première fois que l’artiste grassois Philippe Pasqua – le neveu de Charles Pasqua, l’homme politique – met son travail à contributi­on d’une politique de sensibilis­ation : «C’est bien de pouvoir participer en faisant des oeuvres qui peuvent surprendre et même choquer. Il y a tellement de choses à dire et à faire sur ce sujet que les idées sont venues de façon très fluide. » Car sur les douze oeuvres présentées ici, sept ont été réalisées spécifique­ment pour cette exposition. En effet, lors de la rencontre du directeur du musée et de l’artiste, si le coup de coeur est réciproque, le travail de Philippe Pasqua ne se prête pas forcément à la thématique du lieu. Alors Robert Calcagno lui propose de «se Avec l’artiste Philippe Pasqua, Robert Calcagno, directeur du Musée, se jette dans la gueule de l’art

joindre à la mission» du musée. Un partenaria­t qui coule de source pour l’artiste, déjà amoureux du temple monégasque de la mer. « Ma plus grande satisfacti­on, c’est de voir presque trois ans de travail aboutir aujourd’hui.

C’est un peu comme une naissance », avoue Philippe Pasqua. Et c’est tout son talent qu’il a mis au service de cette mission, en sublimant l’horreur de la réalité de la faune marine dans cette exposition

sur le fil du rasoir. Un contraste saisissant entre la richesse et le lustre des matériaux, et la mise en scène de la mort. Ou quand la flamboyant­e irresponsa­bilité de l’Homme anéantit les splendeurs de la nature. Comme sur Santa-Muerte , où un rutilant squelette de tortue préhistori­que en bronze doré (quatre fois plus grand que la plus grande espèce de tortue encore vivante) est empêtré dans des filets de pêche. « Ça me faisait penser à une sainte avec sa traîne. Pour moi, cette tortue est une déesse des mers », glisse l’artiste. Ou encore avec ce requin réalisé par un assemblage d’une multitude de plaques d’inox martelées, suspendu à une potence, gueule ouverte. L’oeuvre, étincelant­e sur la terrasse du musée, s’intitule Who should be afraid? (Qui devrait avoir peur ?). Une évocation non masquée du massacre aveugle perpétré sur cet animal que l’Homme envisage en croque-mitaine des mers.

Sculptures étincelant­es

Un travail qui correspond tellement à la vocation du lieu que la direction de l’établissem­ent a retrouvé un ensemble de citations du fondateur de l’établissem­ent, le prince Albert Ier. Chacune en adéquation avec l’une des oeuvres, et qui pourrait s’ajouter aux cartels de présentati­on, comme celle-ci: «La nature est dure, le cycle de la vie n’a rien de bienveilla­nt et il engloutit l’homme comme tous les êtres. » C’est véritablem­ent une symbiose entre science, art et protection de la nature qui est à découvrir au Musée océanograp­hique, et à laquelle l’artiste donnerait bien une suite : « J’aurais pu produire bien plus d’oeuvres, mais le problème, c’était l’espace. Moi, je suis prêt à faire une deuxième exposition.» Borderline au Musée océanograp­hique : du 5 mai au 30 septembre. www.oceano.mc

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 ?? (Photos Cyril Dodergny) ?? Reflet chromé pour le squelette de baleine. Santa-Muerte, déesse des océans, prise au piège. Savoir + On tombe le masque sur le rapport à la nature.
(Photos Cyril Dodergny) Reflet chromé pour le squelette de baleine. Santa-Muerte, déesse des océans, prise au piège. Savoir + On tombe le masque sur le rapport à la nature.

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