Monaco-Matin

Laurent Berger: « L’urgence est de mettre une raclée au FN »

Le patron de la CFDT était dans les Alpes-Maritimes, hier. L’occasion pour lui d’appeler à voter Macron dimanche. Non pas par adhésion, selon lui, mais par opposition à Le Pen

- PROPOS RECUEILLIS PAR ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Le patron de la CFDT, qui pour la première fois a devancé la CGT, dans le privé, était en visite dans les Alpes-Maritimes hier. L’occasion pour Laurent Berger de prendre une nouvelle fois position contre Marine Le Pen. Je suis venu voir les militants de Sophia Antipolis. C’est un site énorme où la CFDT fait un gros travail de proximité avec les salariés des différente­s entreprise­s. Mais je fais le tour de tous les départemen­ts. Je suis en déplacemen­t une à deux fois par semaine. C’est un peu ma marque de fabrique. L’idée c’est de débattre avec les militants. J’ai besoin d’entendre ce qu’ils vivent, les préoccupat­ions qui sont les leurs.

Justement, quelles sont les remontées du terrain ? La première des inquiétude­s c’est évidemment la situation politique avec une montée du Front national qui est terrible. On a beaucoup débattu de cela et de notre position…

Vous êtes l’un des rares syndicats à avoir appelé à voter Macron contre Le Pen… Pour une raison simple : le Front national c’est la haine de l’autre, de l’étranger, des femmes qui veulent disposer librement de leur corps, des homosexuel­s… C’est la haine de tous ceux qui ne sont pas comme eux et qui ne pensent pas comme eux. Le Front national c’est tout simplement l’antithèse de la CFDT, une organisati­on ouverte et tolérante. Dès lors pour battre Marine Le Pen et pour qu’elle soit le plus bas possible, car on ne peut pas accepter de vivre dans un pays où elle ferait  ou  % des voix, il n’y a qu’une solution : c’est le bulletin Macron. Cela ne vaut pas acceptatio­n. Ce n’est pas une adhésion, loin s’en faut, de la CFDT à son programme. Mais, je préfère me battre sur des dispositio­ns relatives à l’évolution de l’assurance chômage ou sur le droit du travail, que d’avoir à combattre la préférence nationale et le rejet des étrangers.

Demain, s’il le faut, la CFDT serat-elle prête à aller au conflit contre Emmanuel Macron ? Nous sommes prêts à la contestati­on, à la critique et s’il le faut au conflit. Il ne faut pas que M. Macron s’attende, ni à des opposition­s de principe, ni à de la complaisan­ce de la part de la CFDT. Mais il y a deux temps et l’urgence, pour nous, c’est d’abord de mettre une raclée au Front national dimanche dans les urnes. Pour montrer qu’il y a une France européenne, fraternell­e, ouverte. Dans un second temps il faudra dire à M. Macron que la France ne va pas bien, qu’il ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé. Il faudra qu’il écoute les sentiments qui se sont exprimés, notamment celui de relégation dans les zones rurales et certains endroits que les services publics ont déserté. Il faudra écouter le mal-être de certains salariés. On ne peut parler que de macroécono­mie. Laurent Berger, le patron de la CFDT, était à Sophia Antipolis hier.

Est-ce que dans le programme de M. Macron il y a des choses qui d’ores et déjà ne vous vont pas ? Il y a notamment la question de l’évolution de l’assurance chômage s’il devait y avoir une nationalis­ation parce que je pense que ce serait dangereux pour les droits des chômeurs. Sa vision du syndicalis­me pose également problème. Il pense que nous devons nous occuper que des intérêts particulie­rs, alors que nous pensons pouvoir concourir, aussi, à l’intérêt général, dans la gestion de l’assurance chômage ou dans les

dispositif­s de formation profession­nelle… Et puis j’attends de voir ce qu’il y a vraiment dans sa réforme du marché du travail. On jugera sur pièce comme avec Hollande, Sarkozy ou Chirac. La CFDT fera alors son boulot de syndicalis­te.

Du coup ce positionne­ment est-il parfois un peu compliqué à expliquer auprès des militants ? Ce n’est pas compliqué même s’il y a des gens qui ne le comprennen­t pas. Parce que le pays est nourri d’ambiguïté. Parfois j’ai l’impression que certains espèrent que le FN ne passe pas mais qu’il fasse malgré tout  ou  %. J’estime que ce serait irresponsa­ble. Parce que de là à  % il n’y a pas grand-chose et moi je ne veux pas jouer avec les allumettes près du gaz. À partir de là il faut prendre ses responsabi­lités. Voilà pourquoi j’appelle à voter pour le seul candidat qui est en face du Front nation. Comme nous l’avions fait pour Chirac en . Ce qui est sûr c’est que ça ne plaît pas à tout le monde. La preuve c’est que nos locaux ont été dégradés. Des militants qui votent Front national nous en aurions  % selon un sondage sortie des urnes. Ce qui est plutôt moins que les autres organisati­ons syndicales. Maintenant je ne sais pas si ce positionne­ment est courageux. Ce n’est pas vraiment un acte de bravoure. C’est juste fondamenta­l pour nous. La CFDT n’a jamais dérogé contre toutes les formes de dictatures et de totalitari­sme. Or depuis le débat j’ai moins d’états d’âme encore car je suis convaincu que si Marine Le Pen accédait au pouvoir se serait moins de liberté, plus de discrimina­tion, plus de rejet de l’étranger, ce serait une société fermée, intolérant­e, et ce serait moins de syndicalis­me et donc moins de droits pour les travailleu­rs.

 ?? (Photo Sébastien Botella) ?? Quelle est la raison de votre déplacemen­t ? Plus par opposition que par conviction ? C’est quelque part courageux car vous devez en avoir aussi des militants CFDT qui votent FN. Vous n’avez pas peur que ça vous coûte votre nouvelle place de première...
(Photo Sébastien Botella) Quelle est la raison de votre déplacemen­t ? Plus par opposition que par conviction ? C’est quelque part courageux car vous devez en avoir aussi des militants CFDT qui votent FN. Vous n’avez pas peur que ça vous coûte votre nouvelle place de première...
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco