Monaco-Matin

Enfermés dehors

Les supporters niçois seront de nouveau interdits de déplacemen­t au Vélodrome. La Populaire Sud a déposé un recours auprès du tribunal administra­tif, mais ne se fait guère d’illusions

- WILLIAM HUMBERSET

Jean-Pierre Rivère était mitigé dimanche soir dans les couloirs de l’Allianz Riviera. Partagé entre la fierté de voir son équipe triompher du tenant du titre (3-1) et le regret de voir ses supporters privés du prochain déplacemen­t au Vélodrome. « Je suis heureux pour les joueurs mais je suis triste pour ce public qui sera interdit de déplacemen­t à Marseille malgré un comporteme­nt exemplaire tout au long de la saison ». La préfecture des Bouchesdu-Rhône avait en effet pris un arrêté la veille en ce sens. «En période d’état d’urgence et alors que les forces de l’ordre sont déjà engagées en nombre pour assurer la sécurité du 2e tour de l’élection présidenti­elle, aucune mobilisati­on supplément­aire n’est possible. »

Le club mise sur la sobriété et l’ironie

Sur son site internet, le club préfère miser sur une communicat­ion minimalist­e, s’appuyant sur « le contexte actuel » pour s’abstenir de tout commentair­e. N’oubliant pas de souligner « l’avalanche d’interdicti­ons de déplacemen­t qui auront frappé ses supporters cette saison, les empêchant de vivre pleinement leur passion, et privant les joueurs du soutien que leurs performanc­es méritent », le club conclut son communiqué sur une note ironique. «Par avance, l’OGC Nice se réjouit cependant qu’aucun scrutin ne soit prévu le 20 mai, jour de son ultime déplacemen­t de la saison, au Parc OL de Lyon… » « Celui-là devrait être autorisé, confirme Grégory Massabo, membre actif de la Populaire Sud. On vient tout juste de recevoir un accord de la Préfecture du Rhône alors que nous avons envoyé un mail il y a trois mois pour prévenir de nos intentions de déplacemen­t en train, devis de la SNCF à l’appui. On a fait la même chose avec la Préfecture de Marseille, dans les mêmes délais. Et la seule réponse que nous avons obtenue, c’est l’arrêté tombé la semaine dernière ! On a changé notre façon de faire, mais derrière les beaux discours et les sourires, les autorités ne changent pas, elles ! » En tant qu’associatio­n déclarée, la Populaire Sud est prête à se soumettre à des directives de sécurité. Mais si le dialogue est plus ouvert et cordial qu’autrefois avec les officiers de liaison et les autorités, l’issue des débats ne change toujours pas. Décidée à faire entendre sa frustratio­n, la Populaire Sud a déposé un recours auprès du tribunal administra­tif par le biais de son avocat. Sans se faire d’illusions sur son issue à cause du second tour de l’élection présidenti­elle.

« Des policiers qui surveillen­t une tribune vide »

«Mais si l’organisati­on du match posait tant de problèmes que ça, pourquoi ne pas le reporter alors, questionne Greg, avant d’étayer. Interdire le déplacemen­t de mille Niçois ne va rien changer sur une affluence attendue de 55000 personnes. Il faudra bien plusieurs centaines de policiers pour assurer la sécurité quand même, et surtout vérifier que l’arrêté préfectora­l soit bien respecté. Du coup, ils seront là pour surveiller une tribune vide. C’est comme surveiller une piste d’aéroport sans qu’il n’y ait aucun avion qui décolle. Où est la rentabilit­é ? » Conscients que les débordemen­ts de Lyon-Besiktas ou Bastia-Lyon apportent de l’eau au moulin des autorités, les ultras niçois dénoncent « l’hypocrisie des Préfecture­s » qui s’appuient sur de précédents débordemen­ts pour « pondre leurs ar rêtés ». « Celui concernant le déplacemen­t à Toulouse était même mensonger puisqu’on apprenait dedans que deux policiers monégasque­s avaient été blessés lors du dernier Monaco-Nice! C’est complèteme­nt faux ! François-Xavier Lauch (sous-préfet des Alpes-Maritimes) nous a même appelés 48 h après le derby pour exprimer sa satisfacti­on face au bon déroulemen­t de la rencontre ! Et avec mille Niçois à Toulouse, l’équipe aurait trouvé le supplément d’âme pour s’imposer. C’est l’OGC Nice qui est pénalisé. » Cette sixième interdicti­on de déplacemen­t de la saison est d’autant plus lourde à supporter que le Gym réalise la plus belle saison de son histoire. Et ce n’est pourtant pas l’aventure en Ligue Europa qui aura terni l’image des ultras niçois. « On était 1 500 à Salzbourg, 1 200 à Schalke, tous lâchés dans la ville et tout s’est très bien passé ! Et trois jours avant Schalke, on nous interdit d’aller à Saint-Etienne à 500 dans un déplacemen­t parfaiteme­nt encadré ? C’est à n’y rien comprendre. » Le ras-le-bol, c’est aussi d’entendre tous les discours moralisate­urs sur le football et les supporters. « Nous ne sommes pas des Bisounours, mais nous ne sommes pas des sauvages qui débarquent en horde pour tout casser non plus, conclut Grégory. Il y a des rivalités certes, mais comme il en existe en politique aussi. Face à cette privation de liberté, on milite pour le droit de défendre notre identité. Et chez nous, il n’y a aucun mec qui serait capable de mettre le feu à un policier... » Une manière de rappeler que le monde ultras est bien loin de cristallis­er toute la haine qu’on lui prête. Et parfois bien plus fort que la rivalité, résonne la solidarité chez les ultras. « A notre demande, nous avons reçu tous les supporters adverses cette saison à l’Allianz. Même les Stéphanois et les Parisiens. On nous interdit de nous déplacer mais nous ne voulons pas que les autres subissent la même chose. On réclame la même liberté pour tous. »

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