«J’ai eu ma part de lumière»
La meilleure buteuse de l’histoire de l’équipe de France Marinette Pichon (81 buts en 112 sélections) a marqué le football féminin de son empreinte à une période où il n’était pas aussi médiatisé. Directrice générale de son club de coeur Juvisy, commentatrice sur France Télévisions, ainsi qu’ambassadrice de Kipsta et My Coach, la retraitée jongle avec les activités liées au ballon rond. C’est dans le cadre de son partenariat avec la start-up niçoise que l’ex-attaquante de 41 ans, retraitée depuis 2007, s’est occupée de l’entraînement des U13 de la section féminine de l’OGC Nice la semaine dernière. L’occasion pour nous de prendre la balle au bond.
Marinette, vous aviez l’air particulièrement à l’aise dans ce rôle de coach. Pourtant, ça n’a jamais été le cas dans votre carrière… Là, c’est juste du bonheur, mais s’il y avait autre chose à mettre en place, ce serait bien plus compliqué. Pour l’instant, je n’ai pas forcément envie d’être sur le terrain. Je suis dans un rôle de manager général, puisque c’est le diplôme que je suis en train de passer au Centre d’économie et de droit du sport de Limoges avec la finalité de prendre un club la saison prochaine. Pas à la présidence mais plutôt pour être le maillon fort de sa réussite.
Comme Zinédine Zidane chez les garçons, n’êtesvous pas prédestinée au vu de votre carrière, à un jour prendre en charge l’équipe nationale ? Je ne sais pas si c’est un rêve des fans, mais ça ne m’a jamais effleuré l’esprit. Aujourd’hui, j’apprécie animer des séances et échanger, mais j’apprécie surtout être dans le partage de mon expérience et de mon savoir-faire passé. J’aime bien lier le côté administratif et technique. Etre centrée dans la gestion.
Quel regard portez-vous sur le football féminin avec Lyon et le PSG en locomotives ? Ces deux clubs se sont donné les moyens d’injecter une certaine somme pour le développement du football féminin et l’opportunité de faire venir de l’étranger des joueuses de très haut niveau avec un projet à très court terme qui puisse être performant tout de suite. On voit que ça commence à porter ses fruits. Paris a encore un peu de retard sur Lyon, mais cette finale de Ligue des Champions % française prouve que tout fonctionne bien. Depuis , en six ans de temps, on est passé d’un peu plus de licenciées à aujourd’hui. C’est significatif. Le travail de la Fédé, des Ligues, des Districts a porté ses fruits, en même temps que l’image positive relayée grâce à l’équipe de France. J’espère qu’on pourra un jour franchir la barre des . Soyons ambitieux.
On voit depuis quelque temps des clubs comme Lille, Metz ou Bordeaux qui ont rapidement pris le train du football féminin, alors que Nice semble encore très en retrait… C’est bien de prendre le temps de se structurer, de construire. L’équipe féminine fonctionne bien. Elle est en phase d’accéder à la D. Maintenant, il faut réfléchir à comment créer une osmose sur le long terme. Je pense qu’un projet est une réussite quand il est posé sur le papier sans être dans l’urgence.
Vous investir dans ce projet-là vous intéresse ? La priorité, c’est avant tout d’obtenir mon diplôme de manager général. Le président de Nice (JeanPierre Rivère) fait preuve de sagesse et prend le temps de stabiliser son équipe masculine. Je trouve ça louable et respectable de faire les choses étape par étape. C’est vrai que cette saison a été magnifique pour eux. Ça ne pourra qu’être enrichissant et une réussite pour l’avenir. Le moment venu, s’il y a, ce serait un grand plaisir. La France part-elle favorite pour l’Euro cet été aux Pays-Bas ( juillet - août) ? On attend maintenant avec les performances de l’équipe en compétitions internationales depuis qu’elle décroche enfin une médaille. Il sera hyper important pour le sélectionneur Olivier Echouafni de bien négocier la gestion des joueuses et du calendrier. La France a quand même une vraie chance de bien figurer. Je serais sa première supportrice.
Que pensez-vous du travail d’Olivier Echouafni, le sélectionneur des Bleues ? Il est intéressant. Après, il est difficile de porter un jugement parce qu’il n’a pas été en réelle compétition, à part la SheBelievesCup qu’il a remportée. Il a pris le temps d’insérer des jeunes joueuses, de s’appuyer sur les anciennes pour créer une vraie synergie. Une médaille au championnat d’Europe, ce serait la meilleure des promotions pour le football féminin français avant la coupe du Monde , organisée chez nous.
Y a-t-il une joueuse en équipe de France qui vous plaît particulièrement ? Forcément j’ai des profils comme le mien qui ressortiraient du lot. Eugénie Le Sommer, MarieLaure Délie ou Gaétane Thiney dans des registres différents. En tant qu’ancienne attaquante, j’ai un vrai feeling avec le jeu qu’elles proposent.
Vous auriez votre place dans cette équipe ? (Rires) Si on parle dans les derniers m ou dans les . pour mettre le ballon au fond peut-être. Non, bien sûr que non, il y a eu une vraie évolution, un rythme plus élevé, un impact certainement plus dur. J’ai eu ma génération, j’en suis ravie.
Regrettez-vous de ne pas avoir eu votre heure de gloire aujourd’hui alors que le foot féminin n’a jamais été aussi mis en valeur ? Non, parce qu’en étant la première footballeuse à partir aux Etats-Unis, j’ai eu cette part de lumière et de Il est, selon moi, trop tôt pour prétendre aux mêmes droits. Ce n’est pas la même notoriété. Il faut essayer de rester en adéquation avec le développement de notre projet avant de vouloir rivaliser sur les salaires. Il ne faut pas qu’on se focalise sur l’aspect financier, mais parler avant toute chose de plaisir sportif et de formation. Ensuite seulement, on parlera d’un confort financier. Même si ça deviendra un jour inévitable, il faut qu’on reste les pieds sur terre.
Le plus beau souvenir de votre carrière ? La première Marseillaise au stade Gerland face à la Belgique en ouverture de France - Chine en mars . C’était fabuleux. Quand on est parachuté dans un antre comme Gerland devant ou personnes, on se dit « Ah ouais, quand même ». C’est exceptionnel. Je n’avais pas marqué ce jour-là.