Il veut sauver les bisons
Patrice Longour, directeur des Monts d’Azur à Thorenc lance des échanges de bisons avec d’autres réserves. L’enjeu : accroître la diversité génétique de l’espèce pour qu’elle soit moins vulnérable
La brume enveloppe les cimes. Puis l’averse s’abat dans la plaine où les bisons paissent tranquillement. Patrice Longour, vétérinaire et directeur de la réserve des Monts d’Azur à Thorenc, s’approche du troupeau pour repérer ceux qui partiront le lendemain à la Margeride en Lozère. Il jette de temps en temps un coup d’oeil vers l’entrée du domaine. Ses nouveaux pensionnaires ne devraient plus tarder. « Ils arrivent! » Après un long voyage, plus de 8 heures de route dans la neige, puis sous la pluie, le van se gare dans la cour. « Tout s’est bien passé, ils sont calmes », note Jean-Paul Rouvière, directeur de la Margeride. Avec Patrice Longour, il partage la même passion pour la préservation de la faune sauvage.
Une première en France
Les deux hommes ont décidé de se lancer dans un ambitieux programme d’échanges de bisons pour enrichir génétiquement l’espèce. « C’est la première opération que nous réalisons entre nos deux réserves. Et on a prévu de la renouveler tous les ans pour arriver à une quinzaine de bisons différents et favoriser un maximum de croisements avec des bêtes aux origines les plus éloignées possible. On a des gènes embêtant de boiterie, de diarrhées... qu’on aimerait bien éliminer », note le vétérinaire. Sans ces échanges, les groupes de bisons d’Europe, isolés les uns des autres, sont condamnés à s’appauvrir génétiquement. L’enjeu est de taille, il s’agit de préserver ces animaux menacés d’extinction.
Un socle génétique étroit
La complexité du transport de ces jeunes bisons de 300 kg et le coût de ces voyages (plus de 5 000 euros) ne sont pas de nature à doucher sa détermination. Car si près de 2 000 bêtes sont aujourd’hui recensées sur le continent européen, cette espèce reste vulnérable. « Les bisons de plaine, dont font partie les animaux des Monts d’Azur descendent de seulement 7 individus. Leur socle génétique est étroit. Or ces grands mammifères ne peuvent plus se déplacer comme ils le faisaient avant, avec les migrations, il y a trop d’infrastructures humaines. Alors, il faut que l’homme intervienne», poursuit Patrice Longour. A ses côtés, Jean-Louis Rouvière renchérit. « C’est très important pour éviter la consanguinité, ça fait trente ans que nos bisons sont à la Margeride. On a créé la réserve pour les accueillir parce qu’à l’époque, les Polonais ont voulu disperser des bisons, pour se prémunir des risques d’épidémie.»
Des échanges avec six autres réserves dans toute l’Europe
Il s’interrompt pour regarder « ses » deux jeunes mâles et la femelle évoluer dans la prairie de Thorenc. « Leur tête est très différente des nôtres, observe Patrice Longour, on est sur un profil plus préhistorique, de buffle ». Après une période d’acclimatation et de quarantaine, ces nouveaux pensionnaires rejoindront le reste du troupeau. Et le directeur des Monts d’Azur préparera les prochains voyages. « L’objectif est de créer des ponts génétiques entre six réserves différentes dans cinq pays européens. » De la Pologne à la Hollande, en passant par la Roumanie et l’Espagne, les bisons d’Europe vont prendre la route…