Monaco séduit par son hôte
Cette première visite officielle du prince Albert II a permis de signer un accord économique cadre et un engagement environnemental commun, de nouer des liens humains et créer de l’espoir
La Moldavie sait recevoir. Mieux, elle sait impressionner. A l’occasion de sa première visite officielle à Chisinau, jeudi et vendredi, le prince Albert II a été reçu comme le plus grand des chefs d’État. De même pour la quinzaine de membres du Monaco Economic Board venus discuter business avec des Moldaves plus que jamais ambitieux. Désormais, la Moldavie ne se résume plus à quelques pages de Tintin et le Sceptre d’Ottokar pour des entreprises monégasques conquises (lire page suivante). Coincée entre la Roumanie et l’Ukraine. Cernée par la rivière Prout, à l’ouest, et le fleuve Dniestr, à l’est, la Moldavie est une contrée du fin fond de l’Europe continentale séparée par une poignée de kilomètres de la mer Noire. Un pays pauvre et tourmenté qui frappe à la porte de l’Europe tout en élisant un président pro-Russe. Un mystère sur l’échiquier diplomatique européen, accentué par l’explosion d’un scandale d’État sans précédent il y a un an. Un milliard de dollars US, soit 12,5 % du PIB, volatilisé des caisses de l’État et retrouvé, en partie, dans les poches de l’ancien Premier ministre – aujourd’hui incarcéré, Valeriu Strelet. Un coup d’épée sur la tête du pays le plus pauvre d’Europe (25 % de la population en dessous du seuil de pauvreté) où le salaire d’un ouvrier correspond au standard du Maroc. Un coup de massue même puisque 10 autres pourcents du PIB auront été mobilisés pour garantir un
plan de sauvetage des trois principales banques touchées. Un gouffre dont la Moldavie ne sortira qu’à force d’innovations et de partenariat. D’où la présence de banquiers et financiers (J. Safra Sarasin ou UBS) dans la délégation du Monaco Economic Board aussi…
« Nous avons été touchés »
Dix jours avant l’arrivée de la délégation monégasque, le ciel tombait même sur la tête des Moldaves. Une tempête de neige meurtrière dont les artères de Chisinau portaient encore les stigmates cette semaine (arbres déracinés, toitures éventrées, câbles électriques brinquebalants). «Nous avons été très touchés que vous nous ayez proposé une aide logistique tout de suite», a adressé le Premier ministre, Pavel Filip, au prince Albert II.
Reçu hier matin par le président de la République, Igor Dodon, le souverain a insisté sur la «qualité» et le «chaleureux» accueil réservé à ses sujets par les Moldaves. Une amitié naissante comme témoignage de relations bilatérales vouées à s’intensifier. « Nous souhaitons donner une nouvelle dimension à notre coopération », avait assuré Pavel Filip, la veille, avant la signature d’un accord économique cadre (*), sous la plume du conseiller de gouvernement-ministre des Affaires étrangères, Gilles Tonnelli, pour Monaco. Le viceprésident de la Fondation prince Albert II, Bernard Fautrier, paraphant un accord gouvernemental en terme d’environnement. « Après six ans de relations diplomatiques, nos rapports prennent une nouvelle dimension», s’est félicité le souverain, précisant avoir voulu rencontrer
« un président et son peuple ». Le prince Albert II a ensuite rebondi sur «le projet commun et la collaboration technique et scientifique autour d’un parc national en Moldavie et sa réserve de biosphère». Concluant: « Nos relations étaient excellentes et je crois qu’elles peuvent se raffermir ! »
« Des réformes sont en cours »
Le Premier ministre moldave a, lui, joué d’emblée sur la corde sensible en remerciant «la Principauté pour son assistance au cours des dernières années », notamment sur le trafic d’être humain. «Je tiens à vous remercier une fois de plus car, grâce à vous, 295 enfants ont pu continuer leurs études. » Pavel Filip a également évoqué une réflexion commune autour d’un «plan de préservation de dix espèces d’oiseaux dans une zone rouge».
Un Premier ministre beaucoup plus timoré lors de la clôture du Forum économique jeudi. En cause, un propos timide au regard de celui de Vladimir Plahotniuc, président de Moldova Business People (*). «Notre indépendance a 25 ans cette année et nous commençons à prendre notre destin en mains, a attaqué le décideur. Nous avons confiance dans notre futur et comptons beaucoup sur ce partenariat avec Monaco. Gouvernement et parlement sont impliqués, des réformes sont en cours, il y a un constat de changement. Nous sommes un petit pays avec beaucoup de communautés qui vivent ensemble mais nous voulons dire à nos invités que nous sommes ambitieux, avons une force de travail et un environnement sain.» Michel Dotta, président du MEB, de ponctuer ces notes
d’espoir. « Nous avons une vision commune pour renforcer nos échanges et les rencontres individuelles du jour nous ont prouvé qu’il existe déjà des passerelles productives entre nos deux pays. Monaco est aussi pour vous une porte ouverte sur les entreprises françaises ou d’Afrique de l’Ouest. Quant à la Moldavie, elle offre de belles opportunités dans les domaines du textile ou encore de l’alimentation… » Un discours conclu en roumain comme une nouvelle main tendue.
* Accord de coopération économique entre le Moldova Business people Association et le MEB et un autre accord entre le Moldovan Investment and Export Promotion Organization et le MEB.