Orques et dauphins captifs: l’Etat dit stop
Coup de théâtre hier : l’arrêté de Ségolène Royal publié au Journal officiel interdit finalement la reproduction des orques et dauphins en captivité. Indignation d’un côté, euphorie de l’autre
Une «bombe» lâchée dans les bassins. Le terme choisi par Jon Kershaw, directeur animalier de Marineland, dit l’onde de choc qui secoue les delphinariums français. Loin des projecteurs de l’élection présidentielle, l’arrêté pris par Ségolène Royal pour réformer le secteur a été publié au Journal officiel hier matin. Ce texte devait trouver un terrain d’entente entre parcs aquatiques et défenseurs de la protection animale, sur un sujet prompt à déchaîner les passions. Ce compromis fragile a volé en éclats. « La reproduction des orques et des dauphins actuellement détenus en France est désormais interdite. Ainsi, seuls les orques et les dauphins actuellement régulièrement détenus peuvent continuer à l’être, sans ouvrir à de nouvelles naissances.» Il a suffi de deux phrases pour tout changer. Certes, la captivité de ces animaux n’est pas remise en cause à ce jour. Mais en l’absence de reproduction, elle l’est forcément à terme.
Un « contrôle étroit » devenu interdiction
Mercredi, le ministère de l’Ecologie annonçait dans un communiqué toute une batterie de mesures réformant la réglementation du 24 août 1981 (1) : fin des immersions avec les dauphins, augmentation d’au moins 150 % de la surface des bassins, bannissement du chlore, mise en place d’équipes de soigneurs spécialisés en nombre suffisant et… «contrôle étroit de la reproduction des dauphins ». D’un trait de plume, ce « contrôle » s’est mué en interdiction pure et simple. «J’ignore qui a pris la décision, mais elle n’a rien compris! Et cette personne veut qu’on disparaisse, c’est clair », fulmine Jon Kershaw. En tant que directeur zoologique, ce n’est pas l’existence même de Marineland qui est menacée à ses yeux. « L’espérance de vie d’un dauphin est d’une trentaine d’années, et nous en avons de très jeunes. D’ici quinze ou vingt ans, les parcs d’attraction comme le nôtre ne seront peut-être plus à la mode ; d’ici là, on a le temps de tout changer. Mais en tant que directeur zoologique, ça m’embête surtout pour les animaux… » (lire ses explications détaillées ci-dessous). Première attraction touristique des Alpes-Maritimes, Marineland sentait monter la fronde anti-parcs pour cétacés, notamment depuis les intempéries d’octobre 2015. Le dernier parc français à détenir des orques (quatre, tous mâles) savait que cette race ne serait plus amenée à s’y reproduire. Pour ses onze dauphins mâles et femelles, l’affaire est tout autre. Et Ségolène Royal, à la veille de quitter son ministère, vient de signer là un coup d’éclat dans le money time.
«Progrès historique»
Ce, pour le plus « grand bonheur » d’associations telles que One Voice, jusqu’ici «catastrophée par les mesurettes annoncées. Ce n’est pas la fin des parcs mais de l’exploitation des dauphins à terme», selon sa présidente Muriel Arnal. Pour elle, la ministre a fait «un cadeau de départ à l’humanité » et non aux seuls écologistes. Pour sa part, la Fondation Brigitte Bardot a salué sur Twitter un « départ sur une très bonne note ». « Ce texte signe la fin programmée de la captivité des cétacés en France. C’est un progrès historique! s’enthousiasme Lamya Essemlali. Pour la présidente de Sea Shepherd France, «Mme Royal a senti que l’opinion publique était de plus en plus sensible à cette question, et a voulu s’éviter une polémique avec l’industrie de la captivité. Reste la question des cétacés toujours captifs… » Quel qu’il soit, le futur ministre ne devrait pas s’ennuyer.
1. Voir nos éditions du jeudi 4 mai.