Ces Azuréens qui ont voulu gouverner la France
orsque Gustave Maupassant, père de l’écrivain Guy de Maupassant, rencontre Laure Le Poitevin, ils ont vingtcinq ans et beaucoup d’ambition, elle surtout. Une passionnée qui en impose et qui prend vite le dessus sur le jeune dandy aux manières aimables et à l’oeil de velours, mais dont elle redoute le côté nonchalant et dispersé. Et en plus, il n’est pas noble! Orgueilleuse autant qu’ambitieuse, elle souffre de n’être que la fille d’un filateur ruiné et voudrait fuir cette médiocrité. Gustave semble amoureux et la belle lui inflige une épreuve : qu’il fasse des recherches sur les origines de sa famille pour obtenir la particule. Chance pour le jeune homme, un Jean-Baptiste Maupassant, conseiller-secrétaire du roi, a été anobli en 1752. Laure exige en échange de l’anneau du mariage, que Gustave revendique officiellement le droit à cette particule. Il s’attelle à cette tâche avec brio puisque le 9 juillet 1846, le tribunal de Rouen l’autorise à s’appeler Gustave de Maupassant. Le 9 novembre de la même année, Laure épouse Gustave. Peu de temps après, elle tombe enceinte. Elle impose que l’enfant naisse dans un château. Gustave va louer celui de Miromesnil, où Guy de Maupassant fait son entrée dans le monde le 5 août 1850.
Le père et le fils apprécient la côte
On connaît la suite. Guy deviendra un génie de la littérature et à la séparation de ses parents, il s’éloignera de plus en plus de son père. Sur la fin de sa vie, Gustave décide de s’installer définitivement dans le Sud. Il choisit un lieu peu connu mais adapté à sa bourse : Sainte-Maxime. Guy, de son côté, affectionne de plus en plus la lumière et la chaleur méditerranéenne. Il est à Cannes aux côtés de sa mère, quand il décide dans les années 1880, de visiter la côte jusqu’à Saint-Tropez, à bord de son bateau le Bel Ami. Peut-être tente-t-il une ultime réconciliation sachant que son père s’occupe des intérêts de sa petitefille Simone? Elle est la fille d’Hervé, mort de folie, l’autre fils de Gustave de Maupassant. Elle est aussi la filleule de Guy, qui la considère un peu comme sa fille et son hértière. Une bonne raison pour que les deux hommes se retrouvent mais il n’y a aucune certitude qu’une rencontre ait eu lieu. L’écrivain n’y fait aucune allusion dans sa nouvelle Sur l’eau :« Le golfe a l’air d’un lac immense et calme où nous pénétrons doucement en profitant des derniers souffles de cette bourrasque matinale. À droite du passage, SainteMaxime, petit port blanc, se mire dans l’eau, où le reflet des maisons les reproduit, la tête en bas, aussi nettes que sur la berge. En face, Saint-Tropez apparaît, protégé par un vieux fort… ». C’est donc là, dans ce petit port se mirant dans l’eau, avec ou sans la visite de son célèbre fils, que Gustave attend patiemment de finir sa vie dans la petite maison en bord de mer qu’il a justement baptisée Villa Simone, aujourd’hui Villa Béthanie. Il partage son temps entre la peinture et l’éducation de sa petite-fille. Après le décès de Guy le 6 juillet 1893, il défendra avec énergie les intérêts de ce dernier et de la petite Simone car, si Gustave ne sut vraiment remplir son rôle de père, il fut un grand-père protecteur et jaloux pour celle qu’il appelait «safille». Il mourra dans ce petit coin qu’il s’était choisi le 24 janvier 1899 à l’âge de 78 ans. Laure le suivra trois ans plus tard.