Monaco-Matin

D’inédits témoignage­s

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Gaston Jonesco, né le 14 mars 1915 à Buenos Aires, en Argentine, de parents roumains, était arrivé à Nice en 1928. Son père, Antonio Ionescu, était ingénieur spécialisé dans les chemins de fer. Après un poste au Congo belge, il était parti exercer sa profession en Argentine comme Ingénieur en Chef des « Ferrocaril­es del Estado» pour participer à la constructi­on des voies ferrées du pays. Y ayant contracté la tuberculos­e, il avait quitté précipitam­ment son poste argentin de Santa Fé en 1928, avec sa famille, pour pouvoir se faire soigner au soleil, sur la Côte d’Azur. Il y décédera malheureus­ement trois mois après leur arrivée. C’est de lui que Gaston Jonesco héritera de sa passion pour la photograph­ie et d’une ribambelle d’appareils photo, que son père avait pu se payer facilement grâce aux revenus d’une retraite argentine confortabl­e… avant que la famille ne sombre dans la misère, à l’arrivée de la dictature argentine, qui a coupé les vivres. Gaston Jonesco, dit « Dauphin ».

Gaston Jonesco vit dans une petite maison au bas de Magnan, avec sa mère, son jeune frère, et Rosario, un majordome argentin.

Scout passionné

Tous les matins, Gaston se rend au lycée Masséna… par la mer, à la nage. Car il est champion de natation, d’où son surnom de « Dauphin ». Depuis Magnan, il nage jusqu’au port, où l’attend Rosario, avec ses vêtements. Il est un brillant étudiant en médecine. Mais le régime de Vichy a contrarié son avenir, son destin. De parents étrangers, les lois du régime l’empêchent de continuer à étudier... En 1941-1942, il crée une troupe de scouts de France, dont le local est basé à Riquier, rue AugusteGal. Il y crée d’ailleurs un labo photo où il apprend aux jeunes à développer les négatifs. Il prend le nom de scout de «Dauphin souriant », ou « Dauphin savant ». Henri Drone, ancien directeur d’école à Èze, à Beaulieu et à l’Ariane, a été l’un des scouts de Gaston Jonesco. «Je lui dois beaucoup. Il a été comme un guide, comme un père, alors que le mien, fascisant, me faisait souffrir. C’était quelqu’un de généreux, mais il faisait en sorte de ne pas le montrer… Il nous a changé les idées, toujours accompagné­s. On sortait au moins une fois par semaine… On allait marcher au MontChauve, on allait un peu partout. Et il n’arrêtait pas de faire des photos… »

« Déterminat­ion souriante »

Il a écrit un texte sur Gaston. En voici un extrait, qui résume bien l’homme : « L’occupant recevait l’aide complaisan­te d’un régime politique nouveau, fondé sur l’expiation collective des lourdes fautes passées. Et les enfants ? Leur besoin de sécurité et de repères valables n’était plus assuré. Tout avait vacillé. Ils avaient collecté avec enthousias­me “la vieille ferraille” avec laquelle on allait “forger l’acier victorieux” [...] Beaucoup savaient leur père, leur frère ou quelque parent otages en Allemagne pour longtemps. Dans un quartier populaire de l’est niçois arriva un homme dont l’accent, les manières montraient qu’il venait “d’ailleurs”. Son assurance, sa déterminat­ion souriante attiraient. Il fonda une troupe de scouts. De jeunes garçons, issus souvent de familles improbable­s, connurent aussitôt la vie en équipe, la solidarité active, l’amitié, une autorité affectueus­e. [...] Ces adolescent­s grandirent dans la guerre avec la certitude d’un avenir possible. [...] Ils grandirent en dépit des horreurs quotidienn­es engendrées par le malheur du temps. Ils purent devenir des hommes... » Gaston Jonesco, disparu en 1984, a, après-guerre, lui aussi pu devenir l’homme qu’il avait envie d’être : un médecin compétent et respecté.

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(Photo D. R.)

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