Monaco-Matin

Cinq propositio­ns pour protéger la Méditerran­ée

Espèces invasives, tourisme, surpêche... Mare Nostrum est vulnérable. Quelles actions mettre en oeuvre ? Tour d’horizon avec Paolo Guidetti, directeur du laboratoir­e Ecomers à l’université de Nice

- SOPHIE CASALS scasals@nicematin.fr

La Méditerran­ée est menacée. Trésor de biodiversi­té elle abrite près de 18 % des espèces marines connues, sur un espace qui représente moins de 1% de l’océan mondial. Mais, dans cette mer semi-fermée, le développem­ent économique met à mal des écosystème­s fragiles. Vingt pour cent des espèces sont menacées d’extinction rapide. Tourisme, pression démographi­que, transport maritime… progressen­t. Le World Wide Fund a tiré la sonnette d’alarme dans une étude publiée en début d’année (MedTrends). Pour l’Organisati­on Non Gouverneme­ntale la Méditerran­ée est proche du « burn out ». Comment préserver Mare Nostrum dans ce contexte? Quelles actions locales ou plus globales mettre en oeuvre? C’est le thème d’une conférence proposée, demain soir, à l’auditorium du Mamac à Nice par le Centre de Découverte du Monde Marin Parmi les intervenan­ts, Paolo Guidetti, directeur du laboratoir­e Ecomers de l’université de Nice, dresse un panorama des menaces et aborde quelquesun­es des pistes pour préserver la Méditerran­ée. Et ça passe aussi par notre assiette... « La Méditerran­ée est le bassin le plus envahi par des espèces non indigènes », pose le professeur d’écologie marine. [lire ci-dessous] Comment agir contre cette menace ? « En planifiant et généralisa­nt certaines pratiques. » Certaines solutions sont déjà mises en oeuvre. La première, c’est la filtration des eaux de ballast des cargos et pétroliers. « C’est une mesure très importante pour éviter que ces navires ne transporte­nt dans leurs réservoirs des oeufs et des larves qui dispersent ensuite en Méditerran­ée des espèces “non indigènes”, poissons et algues. » « La rascasse tropicale est un prédateur, et le poisson lapin un herbivore qui a une grosse capacité Autre action pour éviter la proliférat­ion de ces « intrus » : utiliser les « prédateurs ». « En Méditerran­ée, la surpêche a diminué la population des grands mérous, et fragilisé cette “ligne Maginot”. Pour reconstitu­er les troupes, les aires marines protégées sont une réponse.» Dans ces espaces « sanctuaris­és », on veille à ce que l’activité humaine ne mette pas à mal la biodiversi­té. Elles sont constituée­s par des zones de protection totale (sans prélèvemen­t) et d’autres où la pêche artisanale, la navigation, la plongée sont autorisées mais contrôlées. Une centaine a été créée en mer Méditerran­ée. « A Port-Cros, Marseille, ou la Scandola, ça fonctionne bien », note Paolo Guidetti. «Lapopulati­on de mérous et de loups par exemple est plus nombreuse. » En dehors de ces aires marines protégées, il prône une « pêche durable ». « Le long de nos côtes, les pêcheurs artisanaux sont de moins en moins nombreux, mais il y a une forte pression de la pêche “loisir”. Dans certains pays, la limite journalièr­e des prises a été fixée à 5kg maximum. C’est un quota qu’on pourrait fixer en France, estime-t-il . Car nous avons des pêcheurs sans licence qui vendent illégaleme­nt leurs poissons. Si c’est difficile de surveiller ces pratiques en mer, on peut en revanche effectuer des contrôles dans les restaurant­s. » « Pour répondre à la demande des consommate­urs, les pêcheurs se concentren­t sur un petit nombre d’espèces. » Du coup loups, thons et mérous se raréfient. Quels poissons recommande-t-il ? « Les maquereaux et les bonites. Les stocks sont en bon état et d’un point de vue du goût c’est délicieux. » Il préconise un travail d’éducation, pour faire [re]découvrir ces poissons. « J’ai participé à une manifestat­ion à Monaco où nous avons fait goûter au grand public des espèces méconnues, cuisinées par des chefs. » Dans les pays comme la Turquie, particuliè­rement concernés par les espèces invasives, il prône un travail d’éducation « pour convaincre les gens d’acheter et de cuisiner ces poissons trop envahissan­ts ». « Chacun peut agir, à son niveau et contribuer à changer les choses localement. » A l’approche de la saison estivale, il invite les plaisancie­rs à s’informer sur les zones de mouillage. « Dans les zones très fréquentée­s, l’impact est très important sur les herbiers de posidonie. Or, maintenant, on trouve des applicatio­ns pour smartphone qui permettent de choisir un mouillage écolo. » Vendredi 12 mai à 20 h auditorium du MAMAC, place Yves-Klein à Nice. Isabelle Monville, chargée de mission Natura 2000 Cap-Martin, CARF, Paolo Guidetti, professeur des université­s, directeur du laboratoir­e ECOMERS, université de Nice, et Richard Chemla, président du Centre de découverte du monde marin, interviend­ront à la tribune. La projection du film Méditerran­ée, le grand déversoir d’Eric Beauducel illustrera le débat. Entrée libre et gratuite.

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(Photo Philippe Joachim) (Photo Jean-Sébastien Gino-Antomarchi) Dans les aires marines protégées, on veille à ce que l’activité humaine ne mette pas à mal la biodiversi­té. Savoir + Paolo Guidetti, directeur du laboratoir­e Ecomers à l’université de Nice.

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