Monaco-Matin

La courtière n’aurait pas dû encaisser le gros chèque

Dans le cadre de la vente d’un quatre-pièces, une courtière en immobilier a déposé sur son compte personnel la totalité des frais d’agence. Un abus de confiance, pour la cour d’appel

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Condamnée en première instance à huit mois d’emprisonne­ment avec sursis et au versement de 15 000 euros à la partie civile, la salariée d’une agence immobilièr­e de MonteCarlo a vu sa peine diminuée par la Cour d’appel. Après avoir examiné le litige, l’arrêt rendu réduit la sanction à une amende de 15 000 euros et à une somme de 5 000 euros pour la société Elite Internatio­nal. Dans cette affaire d’abus de confiance, le parquet général avait requis par deux fois un non-lieu. Dans ce dossier, cette Monégasque quinquagén­aire, épouse d’un très haut fonctionna­ire, s’était occupée de la vente d’un appartemen­t de quatre pièces au « Château Périgord » au printemps 2013. Sur le montant de la transactio­n, elle perçoit la commission d’agence. La courtière demande à l’acquéreur que le versement des frais soit à son nom. Et elle dépose l’intégralit­é de la somme, soit 156 676 euros, sur son compte bancaire personnel « pour préserver [ses] droits sur le montant des honoraires », préciset-elle devant le président Eric Senna.

« Un assemblage de mensonges »

« Pourquoi avoir agi de la sorte ? Vous n’aviez pas droit à la totalité. Que craigniez-vous pour décider

de tout encaisser ? demande alors le magistrat ? « Je n’ai jamais voulu voler ou léser une personne, répond l’intermédia­ire. Mais à cette époque, les comptes étaient bloqués avec le décès de la propriétai­re et j’avais peur de ne pas être payée. Je n’avais aucune informatio­n… »

Assertion ? Dubitation ? « Mais ces honoraires étaient dus à l’agence qui vous verse ensuite une commission. N’est-ce pas anormal ? », lance le président. « Aucunement. J’ai réglé la quote-part à mon employeur », s’indigne la mandataire. Pour la partie civile, Me JeanPierre Licari évoque « un assemblage de mensonges. Cette personne n’avait aucune raison d’encaisser le chèque de caution sur son compte personnel. Ma cliente s’est aperçue du stratagème quand il a fallu payer la TVA… Et soyons sérieux : qui va donner 80 % de la somme à une salariée ? C’est ruineux ! Il reste juste de quoi payer les taxes. Habituelle­ment, c’est 20 % pour le courtier, 80 % pour l’agence. Dans cette affaire, c’est le contraire. L’intention frauduleus­e existe. Faite verser la totalité de la somme réclamée ».

Le procureur requiert la relaxe

Toutefois, pour le procureur général Jacques Dorémieux, «iln’y a pas d’éléments matériels pour justifier une infraction. Ce n’est pas à cette dame de fournir les preuves, mais à la partie plaignante. Le ministère public n’est pas aveugle. Le doute doit bénéficier à la commission­naire. Elle doit être relaxée ! » Les avocats de la défense croient « dans la force pacificatr­ice du droit. Appliquons la loi et il est impossible que notre cliente ait commis un abus de confiance. La répartitio­n 80 % pour Madame et 20 % pour l’agence est juste. Elle correspond au travail effectué et l’accord interne remonte aux années quatre-vingt-dix. Aucune preuve ne permet de conclure sur l’affirmatio­n du conseil de la plaignante. Et aucun préjudice économique subi par la SARL ». L’avocat décrira alors « une femme honnête, réservée, élevée dans la droiture d’un père fonctionna­ire. Elle est incapable de commettre une infraction ». La cour d’appel en décidera autrement.

 ?? (Photo archives Nice-Matin) ?? L’objet du litige est un appartemen­t du «Château Périgord».
(Photo archives Nice-Matin) L’objet du litige est un appartemen­t du «Château Périgord».

Newspapers in French

Newspapers from Monaco