« Il n’a pas su éclairer les Français »
Le politologue Roland Cayrol décortique les raisons de l’échec de François Hollande dans l’opinion…
Avec le recul, quel bilan faites-vous du quinquennat de Hollande ? Il est clair que c’est le quinquennat qui aura été le plus mal jugé par les Français, le plus rejeté par l’opinion et ce dès le départ. Il y a eu un problème de fond entre ce Président et son opinion. Cela peut se comprendre dans la mesure où les Français jugent d’abord les résultats, en particulier sur le sujet qui les taraude le plus, celui de l’emploi. Il me semble pourtant que si l’on regarde le bilan de ce quinquennat, Hollande aura réussi deux choses importantes qui ont représenté pour la gauche une révolution culturelle. La première est la réconciliation avec la prise en compte de la sécurité. On avait longtemps accusé la gauche de laxisme et d’angélisme. Là, on a vu un Président qui a pris à bras-le-corps cette demande. La seconde est la réconciliation avec l’économie capitaliste. C’est toute la politique sociale et libérale qui s’est accentuée d’année en année, avec le CICE, les baisses de charges pour les entreprises. Malgré le corpus idéologique militant du socialisme français, on a vu là une volonté d’adaptation à l’économie réelle. C’est d’une certaine façon ce qui a permis à Emmanuel Macron de gagner l’élection présidentielle. Là encore, deux choses. Le manque d’incarnation présidentielle, le fait qu’on n’a pas saisi ce Président à la fois normal et guerrier. Mais surtout, Hollande n’a pas su parler clairement aux Français. Lorsqu’il a changé de cap sur le plan économique, il ne l’a pas dit, laissant entendre que c’était la même politique qui continuait. Il n’a pas justifié ni éclairé sa nouvelle orientation. Or, on attend d’un Président qu’il dise où il va. Du coup, sa politique est restée incomprise, à la fois de son opposition et de son propre électorat. Il est vrai que l’information instantanée et continue est un cauchemar pour les dirigeants. Macron dit qu’il va revenir aux sources de la Ve République et présider plutôt que gouverner. Mais je crois qu’il aura du mal à le faire, dans la mesure où la nouvelle démocratie médiatique nécessite une parole présidentielle plus fréquente qu’il ne veut le croire. L’important est de savoir venir expliquer avec clarté aux Français les changements de cap, de les mettre dans le coup et de les entraîner.