Complexes qu’il n’y paraît
Avant de répondre à cette question, petit détour par la physiologie de la digestion. Lorsque l’on digère son repas, des graisses, des sucres et des protéines sont assimilés. Une part importante de ces graisses est représentée par les triglycérides (TG), qui vont être rapidement utilisés par tous les tissus (tissu graisseux, muscles, coeur) pour fournir de l’énergie. Tous les tissus, sauf le cerveau, dont chacun sait qu’il a plutôt besoin de glucose. Mais, comment comprendre dès lors la présence dans le cerveau et en particulier dans le système de récompense [lire ci-contre], d’enzymes capables de décomposer les triglycérides issus de l’alimentation ? Si ces lipides ne sont pas utilisés pour fournir de l’énergie au cerveau (le cerveau « se contente » de glucose), peut-être jouent-ils le rôle de messagers ? C’est la question fondamentale que s’est posée l’équipe de Serge Luquet (Paris). Et elle y a répondu. « Nous avons montré que des doses faibles de TG peuvent agir directement sur les neurones qui contrôlent le plaisir et la motivation à manger, dans le circuit de la récompense. » Illustration : si on lui donne le choix, une souris préfère toujours une nourriture riche en graisses. Mais l’animal est raisonnable. Lorsque des TG sont présents dans son cerveau, il va rééquilibrer son alimentation et délaisser des aliments trop riches (comme des friandises), au profit d’une nourriture plus équilibrée! Un peu de TG dans le cerveau serait donc plutôt bénéfique. Les choses se gâtent en réalité lorsque les niveaux sanguins de TG sont trop hauts, comme c’est le cas dans l’obésité : l’attirance pour les friandises n’est plus du tout contrecarrée! Dans ces conditions, il est facile d’imaginer que l’animal va voir son poids augmenter. « À des taux soutenus de triglycérides, il est probable que le cerveau perde une partie de sa sensibilité aux lipides et, de façon similaire à ce qui se produit lors de consommation de drogues, il va vouloir consommer d’avantage de ces mêmes lipides pour obtenir satisfaction », suggère l’équipe de scientifiques parisiens. Ces travaux indiquent pour la première fois que les graisses d’origine nutritionnelle pourraient ainsi agir comme des drogues dures dans le cerveau. En excès au niveau du système dit « de la récompense », elles prendraient ainsi le contrôle du plaisir et de la motivation associés à la prise alimentaire.