Monaco-Matin

Ça changerait quoi de vous arrêter au feu orange?

Psycho Le facétieux psychiatre canadien Serge Marquis a consacré un nouveau livre au petit hamster qui tourne dans sa roue… dans notre tête : celui qui nous fait cogiter sans cesse

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

J’ai fait le test : en moyenne, un feu rouge dure 30 secondes. Alors pourquoi les automobili­stes ne s’arrêtent pas à l’orange? Pourquoi est-ce que les noms d’oiseaux fusent dès qu’on met un peu de temps à démarrer ? Qu’ont-ils de si urgent et de si important à faire pour ne pas être en mesure d’attendre 30 secondes ? » Le Dr Serge Marquis est un psychiatre pour le moins étonnant. Il écume les salles de conférence de son Canada natal mais aussi du reste du monde pour recoller le sourire aux lèvres de ceux qui l’ont perdu. Car même si ce n’est pas son objectif premier, c’est toujours l’effet qu’il produit. Qu’a-t-il donc de si spécial? C’est bien simple : il nous parle de nous. De nos travers. De ce qui fait qu’on se met à pester contre celui qui a commis l’outrage de s’arrêter au feu orange (« Alors qu’on aurait eu largement le temps de passer avant le rouge ! », penset-on). Il nous dit ce qui ne va pas chez nous, ce qui nous bouffe la vie : c’est Pensouilla­rd le hamster qui tourne dans sa roue… dans notre tête. En France on parlerait de notre petit vélo, du truc qui fait qu’on est sans cesse en train de cogiter, de ruminer, de réfléchir, de se questionne­r. Bref, de perdre notre temps à nous poser mille questions qui, en plus, ne font pas avancer le Schmilblic­k. Typiquemen­t, c’est le cas où l’on est tranquille­ment alangui dans un hamac au bord d’une piscine en train de siroter un cocktail en lisant un bon bouquin. Le bonheur. Soudaineme­nt, on entend cette sournoise petite voix qui nous souffle « Dans trois jours, c’est la reprise du boulot! ». Et là, cet instant de bienêtre et de sérénité est gâché par ces pensées parasites. « C’est le syndrome du ballon-boule : ballon dans l’estomac, boule dans la gorge », résume Serge Marquis. C’est de tout cela dont parle ce médecin atypique dans ses livres : le best-seller « On est foutus, on pense trop » et le dernier « Le jour où je me suis aimé pour de vrai ». Généreux, l’auteur a livré sans retenue ses secrets pour dompter le hamster au cours d’une conférence à Cannes (organisée par l’espace prévention de Cannes Bel Age et Cultura). D’abord, il faut canaliser ses pensées. « L’attention ne peut pas être à deux endroits en même temps. On le savait pour les hommes mais pas pour les femmes », s’amuse-t-il. En résumé, pendant qu’on cogite, on ne profite pas du présent. C.Q.F.D.

La faute à notre (gros) ego

Et pourquoi rumine-t-on autant ? C’est à cause de l’ego. Oui: cette petite bête dans notre tête n’est rien d’autre que l’expression de notre ego. « Par exemple, lorsque quelqu’un nous fait une remarque, le cerveau le perçoit comme une menace à notre ego. Or, le cerveau privilégie l’attention sur ce qu’il perçoit comme une menace. Le hamster est le chien de garde de notre ego. » Mais rien d’inéluctabl­e, on peut exercer notre vigilance comme l’explique le psychiatre. « Chaque matin au réveil, je me mets sur le dos, paumes à plat le long du corps – on m’a dit que c’était une position de yoga appelée la position du cadavre or les cadavres n’ont pas de problème de concentrat­ion, comme quoi j’ai raison ! – et je respire profondéme­nt. L’objectif est que mon attention ne soit mobilisée que par la sensation de l’air qui passe par mon abdomen. Je le fais également en me couchant. Ne me croyez pas, essayez ce soir! Vous verrez, ça débranche la roue du hamster. »

On n’est pas ce que l’on fait

Et pour comprendre pourquoi nous tergiverso­ns sans cesse, il faut intégrer l’idée que « l’ego est un oignon composé de pelures identitair­es : ce que je possède, ce à quoi je ressemble, ce que je sais faire, etc. Là où ça coince, c’est quand notre cerveau ne fait plus la différence entre les pelures identitair­es et ce que je suis. Le piège est donc de percevoir une critique à l’égard de ce que je ressemble, de ce que je fais, comme une critique à l’égard de qui je suis. Rappelezvo­us : nous ne sommes aucune de nos pelures identitair­es: nous ne sommes pas notre voiture, notre métier ou nos opinions ! » En clair, ce n’est pas parce qu’on vous dit que vous êtes mal habillé que cela doit remettre en cause votre valeur. Et pour se libérer de ses mauvais réflexes, outre le fait de focaliser son attention, il faut s’ouvrir aux autres. Le dialogue, un remède miracle ? On n’en est pas loin en effet ! Dernier conseil du Canadien : « lorsque vous vous rendez compte que votre hamster s’est élancé dans sa roue, comptez jusqu’à cinq en inspirant et en expirant lentement. » Une manière de le caresser dans le sens du poil et de le dompter, ce fichu animal.

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