Monaco-Matin

David Lisnard: «J’ai toujours été curieux»

Le maire de Cannes est une personnali­té aux multiples facettes : sportif endurci, lecteur insatiable et amoureux du débat, c’est aussi un ardent défenseur du petit commerce par capillarit­é familiale

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Ces temps-ci, le maire de Cannes est d’humeur un brin maussade. Rien à voir avec la déroute de Fillon à la présidenti­elle. Non, David Lisnard a un cartilage du genou en berne et ne peut plus courir. Un supplice pour ce sportif intempéran­t, habitué à avaler « entre 60 et 90 bornes par semaine et deux marathons par an» ,un record plus qu’honnête de 2 h 57 sur la distance mythique à la clé. On imagine que sa frustratio­n s’évacue naturellem­ent sur le sac de boxe installé dans son bureau… Le maire de Cannes a la fibre sportive dans les gènes. Il a de qui tenir. Son père, Denis Lisnard, après avoir débuté sa carrière à Cannes, évolua comme footballeu­r profession­nel en 2e division à Besançon, Limoges puis Bourges. «Ilajouémil­ieu puis libero. C’était un joueur âpre, teigneux. » Sa mère, elle, fut longtemps danseuse étoile. « C’était une femme droite, à tous les sens du terme.» C’est bien simple, lorsqu’il évoque sa famille, David Lisnard ne tarit pas d’éloges. Que ce soit sur le cocon fusionnel qu’il a recomposé avec la journalist­e de France 3 Jacqueline Pozzi et leurs quatre enfants au total, ou sur ses parents et grands-parents dont les parcours l’ont profondéme­nt stimulé. Il les raconte avec fierté. D’abord ce grand-père maternel d’origine corse, installé à Talence près de Bordeaux. «Il était inspecteur de police. Gazé pendant la guerre, il s’est trouvé très diminué et ma grand-mère a pris soin de lui, tout en bossant en usine et en élevant neuf gamins. Elle était d’une bienveilla­nce sobre, d’une rectitude absolue.»

Versant paternel, David Lisnard est issu d’une veille famille cannoise depuis le XVe siècle. « Mon grand-père était cuisinier. Il a tenu avec ma grand-mère la pension de famille deux étoiles Le Soleil d’Azur. C’était un personnage truculent, excessif, d’une générosité inouïe. » Ses propres parents, les carrières sportives et artistique­s ne permettant pas à l’époque de se reposer sur ses lauriers, se sont eux-mêmes reconverti­s dans le petit commerce de vêtements, confrontés à des hauts et des bas. «A 79 ans, ma mère vient seulement d’arrêter de travailler», pointe-t-il, le poil hérissé d’admiration. Cet héritage familial, fait de besogne et de modestie, David Lisnard le revendique dans une sorte de poujadisme dépoussiér­é. « Je rouvrirai un jour un commerce parce que ça me manque de prendre des risques personnels, de gérer un stock. J’aime

« Il m’a enseigné le métier de maire, j’ai plus appris avec lui qu’à Sciences po. Il aurait aimé que je lui succède dans le Jura, mais j’avais trop envie de revenir à Cannes. » être indépendan­t. C’est une belle école. Il y a beaucoup d’hommes politiques aujourd’hui auxquels je ne confierais pas mon magasin… J’ai envie, dans mon engagement, d’être fidèle à cette France des commerçant­s et des artisans qui créent de la vie et de la richesse, sans jamais se plaindre. »

C’est un euphémisme, David Lisnard est un homme protéiform­e. Il grouille. Bouillonne. Ne se contente pas de parler mais glose et disserte sans discontinu­er. Autant que le sport, la culture et la philosophi­e vitaminent sa vie. Une ébullition permanente qui va jusqu’à lui rendre le sommeil difficile. On l’aurait parié. « J’ai grandi dans la rue, à la croisée de plusieurs milieux mais avec très tôt un prisme culturel, une ouverture sur la lecture et l’écriture. C’est pour cela que je mets tant l’accent sur la culture dans ma ville, c’est un capital qui renforce et qui rend autonome. Il y avait toujours des livres à la maison. J’ai commencé avec Astérix, Maurice Leblanc, SanAntonio, Pierre Desproges… » Enchaînant avec Kundera, Gary, Aron et tant d’autres dont il vous citerait des passages jusqu’au petit matin. Comme il discourrai­t, tout aussi habité, de ciné, de rock, d’opéra ou de Rachmanino­v dont il est «fou» . «Je n’ai jamais aimé être enfermé

dans un univers, j’ai toujours été curieux.» Cannes lui va finalement comme un gant.

 ?? (Photo Gilles Traverso) ?? David Lisnard : « J’aime être indépendan­t. »
(Photo Gilles Traverso) David Lisnard : « J’aime être indépendan­t. »
 ??  ?? Après la démolition de la carrosseri­e Brunacci et Cavallo Peinture, dans le cadre de la requalific­ation du quartier République.
Après la démolition de la carrosseri­e Brunacci et Cavallo Peinture, dans le cadre de la requalific­ation du quartier République.
 ??  ?? Avec Sébastien Chabal pour inaugurer les itinéraire­s de course à pied du projet « Cannes, capitale du sport en plein air », le  juin .
Avec Sébastien Chabal pour inaugurer les itinéraire­s de course à pied du projet « Cannes, capitale du sport en plein air », le  juin .

Newspapers in French

Newspapers from Monaco