Monaco-Matin

Des “papys” passeurs de migrants par solidarité

Une amende avec sursis a été requise hier en correction­nelle contre quatre retraités de la Roya venus en aide en janvier à six Africains (dont deux enfants), à la frontière franco-italienne

- CH. P

René, Françoise, Daniel et Gérard, tous anciens fonctionna­ires à la retraite, sont à la barre du tribunal correction­nel de Nice. Les gendarmes, alertés par un témoin, les avaient interpellé­s le 6 janvier vers 15 h 45 alors qu’ils transporta­ient dans deux voitures un groupe de six Africains qui venaient de cheminer entre l’Italie et la France. Parmi ce groupe composé d’Érythréens et de Tchadiens figuraient deux enfants.

« Il faisait froid »

Lors de leur garde à vue, les retraités avaient refusé de répondre aux questions. Ils réservaien­t leurs explicatio­ns au tribunal. Une centaine de personnes étaient massées hier devant les marches du palais de justice pour les soutenir. Ce ne sont évidemment pas des passeurs profession­nels mais des militants associatif­s émus par la détresse des migrants perdus dans la Roya qui sont jugés. « J’ai reçu un appel au secours. Des réfugiés étaient paumés. Il fallait aller les chercher », précise l’un des prévenus. On comprend au fil de l’audience que les tentes de Cédric Herrou, l’agriculteu­r, symbole de l’accueil des réfugiés dans cette vallée, ne pouvaient plus accueillir, faute de place, de nouveaux arrivants. Pour les conduire vers un abri en dur et chauffé, il fallait contourner un point de contrôle de la police. « Ce jour-là, il faisait froid et il y avait une centaine de migrants dans la vallée. Ils ont fait une partie du chemin à pied pour ne pas être arrêtés et renvoyés en Italie », précise le retraité. Le groupe a notamment emprunté à pied le sentier de La Baisse de Levens.

Aucune contrepart­ie

Me Maeva Binimelis, l’avocat de la défense, a demandé à Henri Rossi, président de la Ligue des Droits de l’Homme de venir à la rescousse. Lui aussi estime que ces réfugiés étaient en danger et profite du procès pour dénoncer pêlemêle l’Etat et le conseil départemen­tal dans sa gestion des migrants, notamment des enfants: « Faisons en sorte de faire entrer la justice dans la loi », souligne le militant. Le procureur Caroline Chassain est embarrassé par une procédure qu’elle qualifie de « lacunaire pour » mais rappelle qu’elle est là « appliquer la loi pénale ». Or « le délit d’aide à la circulatio­n est, selon le ministère public, constitué. » :« Nous n’avons aucun élément cartograph­ique dans le dossier. Si les prévenus n’avaient pas reconnu les faits, j’aurais été bien en peine de requérir une sanction », admet publiqueme­nt le magistrat. A l’issue du réquisitoi­re, le procureur Chassain requiert 800 euros d’amende avec sursis contre chacun des prévenus. Une peine symbolique mais qui ne peut satisfaire Me Maeva Binimelis qui plaide la relaxe des quatre retraités: « Leur action visait à prévenir la dignité et l’intégrité de six personnes. Leur désobéissa­nce s’est imposée. » « La seule contrepart­ie qu’ils peuvent retirer de leur action, c’est le sourire de ces personnes réfugiées », souligne l’avocat. Le jugement a été mis en délibéré au 23 juin.

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(Photo Ch.P.) A l’issue du réquisitoi­re, les prévenus sont apparus plus détendus. Le président de la Ligue des Droits de l’Homme, Henri Rossi, est venu témoigner à la barre de sa solidarité.

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