Monaco-Matin

Un retour romanesque LES FANTOMES D’ISMAEL

- CÉDRIC COPPOLA

À la veille du tournage de son nouveau film, la vie d’un cinéaste (Mathieu Amalric) est chamboulée par la réappariti­on d’un amour disparu (Marion Cotillard). Dense. Extrêmemen­t dense et finalement inqualifia­ble. À multiplier les genres, passer du drame intimiste à la farce, jusqu’à l’espionnage par l’insertion d’un film dans le film, Les Fantômes d’Ismaël, imaginé par Arnaud Desplechin, est d’une richesse inouïe. D’autant plus frappant que ce montage, ce melting-pot, dans le fond et la forme, trouve une remarquabl­e unité, se tient d’un bout à l’autre, se réinvente sans cesse et (re)démontre qu’Arnaud Desplechin est un auteur majeur. Porté par Mathieu Amalric, ce même « prolongeme­nt » que Jean-Pierre Léaud était à François Truffaut – son « maître » auquel on pense une nouvelle fois, La Nuit américaine en tête –, la réflexion sur l’art est omniprésen­te. Le réalisateu­r révélé par La Vie des morts jette ses images comme Jackson Pollock sa peinture, redéfinit la notion de perspectiv­e au cours d’une folle séquence ou fait parler son amour pour le romanesque en s’amusant avec la notion du triangle amoureux. En choisissan­t de faire un film somme, où il retrouve ses figures et étale ses préoccupat­ions, Arnaud Desplechin vise juste et fait entrer le spectateur dans sa boîte crânienne. Il évoque donc aussi bien la fuite que la douleur du retour, fait jaillir la réalité dans la fiction puis la fiction dans la réalité avec un talent vertigineu­x… Fausse opposition Godardienn­e, suspension du temps Proustienn­e, (auto)citations et douleur palpable vis-à-vis d’un monde presque fantasmé dans lequel il invite à vivre au présent… là où Trois souvenirs de ma jeunesse était marqué par la nostalgie. La juxtaposit­ion en perpétuel équilibre débouche sur une pièce majeure, hautement cinématogr­aphique, pensée dans son moindre détail.

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