Monaco-Matin

Cellule Cannes-Torcy : l’indulgence d’une épouse du “chef de meute”

Cinquième semaine de débats à la cour d’assises spéciale de Paris. Narjesse a défendu le père de ses deux enfants : Jérémie Louis-Sidney était « normal, pas antisémite » et « ne parlait pas du djihad »

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ormal » : c’est le mot qui revient le plus souvent dans la bouche de Narjesse quand elle évoque celui qu’elle a épousé religieuse­ment – et avec lequel elle a vécu quelques années à Cannes –, Jérémie LouisSidne­y, considéré comme le chef « fanatique » et «antisémite » de la filière djihadiste de Cannes-Torcy jugée aux assises de Paris. La jeune femme, une brune fluette en jeans et débardeur, a livré, hier, une version aseptisée de sa vie avec cet homme tué à 33 ans lors de son interpella­tion. Le magnum Smith&Wesson dont il a vidé un chargeur sur les policiers venus l’arrêter est posé devant elle, dans la cage de verre destinée aux scellés.

Mes enfants « n’ont plus de père »

Tout ce qu’elle sait de ce 6 octobre 2012 est que ses deux enfants « n’ont plus de père ». Un homme tué loin d’elle – chez une seconde épouse – et qu’elle décrit comme « normal, pas antisémite, qui ne parlait pas du djihad » à l’époque où ils résidaient à Cannes. Ce jour d’octobre, un vaste coup de filet a permis d’arrêter, en région parisienne et dans le Sud, plusieurs personnes soupçonnée­s d’avoir commis un attentat à la grenade contre une épicerie casher de Sarcelles Narjesse, qui sétait remariée avec Jérémie Louis-Sidney, abattu par la police le  octobre  lors de son interpella­tion, a livré hier une version aseptisée de sa vie.

en septembre, mais aussi de préparer d’autres attaques. Au total, vingt hommes – dont trois en fuite – ont été renvoyés devant la cour d’assises spéciale pour leur appartenan­ce à une « véritable filière terroriste ». Cette filière, dite de Cannes-Torcy, est alors considérée comme la plus dangereuse depuis les attentats du GIA algérien en 1995. Au président, qui lui indique que l’empreinte génétique

de Jérémie Louis-Sidney a été retrouvée sur la grenade lancée dans l’épicerie casher, Narjesse rétorque que « cela ne prouve pas qu’il l’a lancée ».

« Haine des juifs »

Alors que certains des accusés l’ont décrit comme un « chef de meute » terrorisan­t les autres, ayant la « haine des juifs» chevillée au corps, « heureux » à l’idée de mourir en martyr, le président Philippe Roux

veut savoir ce qu’elle pense de cette évolution. « Quelle évolution? », la jeune femme. « Il était devenu antisémite », relève le président. « Non », soutient-elle. M. Roux tente une autre approche : « Vous saviez qu’il était armé ? » – « Il se sentait en insécurité, il se savait suivi, il avait peur », élude-t-elle. – « Vos enfants, quand ils ont peur, vous leur dites de prendre une arme ? » riposte

– «Non», souffle-t-elle. Pressée par la cour, elle explique qu’elle s’est séparée de Jérémie Louis-Sidney en 2011 « parce qu’il voulait une deuxième femme », puis reconnaît qu’elle avait « peur qu’il parte en Syrie avec son fils », alors âgé de 8 mois. Elle avait pu récupérer son fils avec l’appui d’un juge pour enfants, au bout d’un mois. « Puis on s’est réconcilié et on s’est remarié. » Elle est enceinte de leur deuxième enfant quant il est tué chez sa seconde épouse, Inès, dont il avait alors deux jeunes enfants.

« Vivre dans un pays musulman »

A la barre, elle s’accroche à sa version : Jérémie, alias Anas, avait séjourné en Tunisie « uniquement pour la circoncisi­on », ne voulait gagner la Syrie « que pour vivre dans un pays musulman », « pour aider ». Elle n’a « pas le souvenir » de ses déclaratio­ns de 2011, lors de sa plainte pour « soustracti­on de mineur », quand elle décrit un homme qui regardait « constammen­t des vidéos sur le djihad » et mimait devant son fils « les sons de mitraillet­tes en disant que “Dieu est grand”». Stoïque et défiante, elle a maintenu n’avoir «rienvu» de changé chez son conjoint, converti à l’islam en 2009 et radicalisé après un passage en prison pour trafic de drogue, selon sa mère.

« Détruit par les drogues »

A l’audience, d’une voix douce, cette mère a dressé le portrait d’un adolescent difficile, dur, « détruit par les drogues » : elle le fera hospitalis­er en psychiatri­e après l’avoir retrouvé un soir « en train de parler avec l’aspirateur ». Le procès est prévu jusqu’au 21 juin.

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(Photo Gilles Traverso et DR)

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