Donald Trump crie à la chasse aux sorcières
La décision du ministère de la Justice de nommer un procureur aux pouvoirs élargis pour enquêter sur les ingérences de Moscou a provoqué la colère du Président
Le président des Etats-Unis Donald Trump s’est posé, hier, en victime d’une chasse aux sorcières sans précédent, au lendemain de la nomination d’un procureur spécial dans l’enquête sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle. Après une réaction laconique mais mesurée mercredi soir via un communiqué de la Maison-Blanche, le président républicain a opté, à l’aube, pour un tout autre registre sur Twitter, traduisant sa volonté de souder sa base électorale, mais aussi son agacement face à l’accumulation des révélations. « C’est la plus grande chasse aux sorcières visant un politicien de l’histoire américaine ! », a-t-il lancé, évoquant cette nomination qui a pris par surprise la Maison-Blanche où une extrême tension est palpable depuis plusieurs jours. Accusant, par ailleurs, la campagne de Hillary Clinton et la présidence de Barack Obama « d’actes illégaux » ,il s’est indigné qu’aucun procureur spécial n’ait jamais été nommé pour les examiner.
Position très inconfortable
« C’est le plus grande exemple d’apitoiement sur soi-même de l’histoire américaine. Triste. Vraiment », a ironisé, en réponse, David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama. A la veille de son départ pour son premier voyage à l’étranger, qui le mènera, dans cinq pays en huit jours seulement, le 45e président des EtatsUnis sait qu’il est dans une position très inconfortable et que l’affaire russe continuera à faire la une des médias américains dans les semaines et les mois à venir. Le numéro deux du ministère de la Justice, Rod Rosenstein, qui a annoncé la nomination de Robert Mueller, directeur du FBI de 2001 à 2013 (sous George W. Bush puis Barack Obama) au poste de procureur spécial, devait rencontrer hier aprèsmidi, à huis clos, les sénateurs démocrates comme républicains pour, entre autres sujets, leur expliquer son initiative, qui a été très bien accueillie sur la colline du Capitole. Cette nomination vise à isoler les investigations du pouvoir politique en réduisant la supervision du ministère de la Justice, tutelle du FBI qui enquête depuis l’été dernier dans cette affaire mêlant politique et espionnage. M. Mueller est chargé d’enquêter sur « tout lien et/ou coordination entre le gouvernement russe et des individus associés à la campagne du président Donald Trump », mais aussi « tout sujet » découlant de ces investigations, ce qui lui donne de facto les coudées franches. Sa réputation et sa stature devraient, en elles-mêmes, le protéger contre toute interférence du pouvoir exécutif. L’opposition réclamait unanimement la nomination d’un procureur spécial depuis le limogeage soudain du directeur du FBI James Comey, le 9 mai, soupçonnant une tentative d’entrave à la justice. Depuis cette éviction brutale, la presse a rapporté que Donald Trump aurait fait pression sur M. Comey pour qu’il classe le volet de l’enquête concernant Michael Flynn, son éphémère conseiller à la sécurité nationale soupçonné de jeux troubles avec les Russes. M. Comey aurait refusé, mais consigné cette conversation dans des notes qui ont commencé à fuiter dans les médias.
« Destitution » ?
M. Trump, qui a démenti toute pression sur le chef du FBI, a admis dans une interview que le limogeage était lié à son exaspération vis-à-vis de l’enquête sur les ingérences russes. Chaque jour apporte désormais son lot de détails et nouvelles révélations sur le comportement du président et de son entourage, avant et après l’élection, alimentant les comparaisons avec la montée en puissance de l’affaire du Watergate qui contraint Richard Nixon à la démission, le 8 août 1974. Le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, rappelle inlassablement que la majorité continue de travailler malgré les turbulences, mais son message est inaudible. L’affaire russe est sur toutes les lèvres, et le mot de « destitution » est murmuré dans la capitale fédérale, un scénario pour l’instant très hypothétique qui ferait que le vice-président Mike Pence hérite du pouvoir. « Je refuse de donner du crédit à cela, je n’ai rien à dire là-dessus », a lâché Paul Ryan, interrogé sur une telle perspective. Dernière révélation, selon le New York Times, Mike Flynn avait prévenu l’équipe du président élu qu’il faisait l’objet d’une enquête fédérale mais cela n’a pas empêché sa nomination.