Niçois pris dans la nasse de la « narco croisière »
Ils seront jugés, à partir d’aujourd’hui à Marseille, pour avoir profité gratuitement de croisières de luxe, en échange du transport de drogue entre l’Europe et l’Amérique latine
La croisière ne s’amuse plus du tout. Trente-cinq jeunes niçois sont jugés à partir de ce matin devant le tribunal correctionnel de Marseille. Trois sont en fuite. Savone, Casablanca, Rio de Janeiro puis retour sur la Côte d’Azur. En 2014, la rumeur avait vite couru dans le quartier des Moulins à Nice : des trafiquants promettaient le rêve tous frais payés sur un bateau de la compagnie Costa croisières. Seule condition à la clé : à l’occasion d’une escale au Maroc, ils devaient réembarquer avec du cannabis. Plus alléchant encore, les « mules » étaient rémunérées 10 000 euros ! Lors de l’escale marocaine, ils se rendaient dans un appartement où des trafiquants leur scotchaient sur le corps des sacs de cannabis. «Arrivée à Casablanca, on m’a emmenée dans le souk acheter une djellaba pour pouvoir cacher la drogue », a témoigné une jeune femme niçoise en audition.
Juteux trafic entre Europe et Amérique
Une fois le bateau arrivé à Rio de Janeiro (Brésil), ils échangeaient le cannabis contre de la cocaïne qu’ils ramenaient en France. Tout en goûtant aux plaisirs de la croisière, casino, piscines, salles de sport. On est loin des facéties bon enfant du capitaine Stubing dans la série télévisée La croisière s’amuse... Pour les têtes de réseau, le trafic était juteux. Le prix de la résine de cannabis étant élevé sur le continent américain, ils pouvaient obtenir en échange de la cocaïne à bas prix. Treize « narcocroisières » auraient été organisées entre 2012 et 2014. Parmi les têtes de réseau « El Viejo », un ancien pizzaïolo. Dans le dossier, on retrouve aussi « le Noir », le « Chinois », « Ferraille ». Tous dotés d’un solide CV judiciaire. Le réseau était tombé sur une imprudence. Lors d’une escale à Tenerife, un « couple » de passeurs au comportement suspect avait alerté les autorités. Grâce aux écoutes téléphoniques, le trafic avait alors été démantelé. Une vingtaine de personnes avaient été interpellées le 29 mars 2014 sur commission rogatoire internationale d’un magistrat de la Juridiction interrégionale spécialisée de Marseille. Les policiers avaient déboulé en force sur le bateau de la compagnie Costa, dans le port de Tenerife. S’en était fini de la « croisière cocaïne. » Vingt-sept hommes et huit femmes se retrouveront donc dans le box ce matin, à des degrés divers : mules, passeurs ou cerveaux de l’affaire. Me Marie Seguin, du barreau de Nice, défend l’une des têtes de réseau présumée. Elle émet des doutes sur la manière dont le dossier a été instruit pour son client. « Il n’a été entendu qu’une seule fois et a participé à une confrontation, à sa demande. C’est peu, en trois ans ...» Pour l’avocate, les accusations contre son client ne tiennent pas : « Le dossier repose uniquement sur la reconnaissance vocale d’un policier, sur écoute téléphonique. Nous la contestons formellement. Et des éléments objectifs permettent de le prouver. » Le procès durera jusqu’au 9 juin.