Il shoote sur un appareil de
À l’heure du numérique, le photographe Joshua Paul parcourt les Grand Prix avec une antiquité argentique. Il est de retour sur le circuit de Monaco, pour des clichés déconcertants
Non, nous n’avons pas ressorti nos plus belles photos d’archives pour cette page. Ces images, on les doit au travail passionné de Joshua Paul, un photographe américain qui se balade de Grand Prix en Grand Prix, avec son appareil de 1913 (un Graflex 4x5) dans son gros sac à dos. « C’est un cadeau d’un de mes professeurs de l’école d’art. Il m’avait dit de me lâcher un peu dans mon travail. Et a priori j’ai réussi, puisqu’il m’a offert cet appareil en récompense», se souvient Joshua. Nerveux et volubile, avec un débit de parole digne de la F1, ce quadra est un passionné de course automobile. Depuis toujours. Pourtant, il n’en fait pas son métier : il débute en 1997 avec des portraits, des photos de jardin, de cuisine, ou encore de voyages, qui constituent encore l’essentiel de son gagnepain.
Un oeil neuf
En 2013, alors qu’il réserve des billets pour aller voir un concert à Barcelone, il réalise qu’il y sera pendant le Grand Prix. Il propose alors au magazine pour lequel il travaille de couvrir l’événement. «Je n’avais jamais photographié de course, donc je faisais ça avec un oeil neuf. Je prenais des clichés différents des autres », explique le New-yorkais. Et tout s’enchaîne : il est invité par la Fédération internationale automobile à la course suivante à Monaco. C’est le début d’une grande aventure qui dure encore aujourd’hui, alors qu’il entame son quarante et unième Grand Prix en Principauté. La première fois qu’il utilise son Graflex sur une course, c’est ici, à Monaco : «Je trouvais intéressant de shooter la plus vieille course automobile sur un appareil d’époque. » À l’heure d’Instagram (sur lequel il expose aussi son travail), où un cliché est immédiatement visible par des millions de personnes, lui travaille sans voir le résultat final : « Quand une photo est bonne on le sait. Quand elle est mauvaise aussi. C’est une sorte d’intuition. »
Autre temps, autre traitement
Autre différence : le traitement. L’appareil fonctionne avec des plaques dont chaque face contient une photo. Après chaque séance, il les « développe » dans une sorte de mini-chambre noire qu’il trimballe avec lui. « Elle est parfaitement hermétique à la lumière, avec des gants qui rentrent dedans. J’y mets mes plaques, je la ferme, j’enfile les gants, je ferme les yeux, et je me lance. » Après cela, il recompte toutes ses plaques avant de les ranger dans une boîte hermétique, elle aussi dans la chambre noire, puis il scelle tout plusieurs fois avec du ruban adhésif. « C’est la partie la plus délicate, parce qu’après, je voyage avec, et elles ne doivent surtout pas prendre la lumière.» Il ne les mettra sur papier qu’à son retour à New York. Un travail d’un autre temps, qui force l’humilité: «En quatre ans, j’ai fait 4000 photos, dont 100 sont bonnes, et 25 très bonnes. » Mais son appareil a d’autres vertus: «On regarde par le haut, vers le sol, ce qui permet de ne pas avoir de contact visuel avec les modèles. Puisque je ne les regarde pas en face, ils sont plus à l’aise et deviennent eux-mêmes. Cela donne des clichés plus intéressants. » Puisqu’il travaille aussi avec un Rolleiflex (autre appareil photo vintage), et un numérique, il dispose d’une banque de photo colossale.
Mi-magazine, mi-livre d’art
Fort de cet atout et du constat que la F1 regroupe 400 millions de fans dans le monde, il décide de lancer, avec un ami, Lollipop Magazine. Un ouvrage vendu une vingtaine de dollars sur son site et dans une librairie de New York, et qui relève plus du livre d’art que de la revue. On y trouve les photos des courses, mais aussi de petites voitures de son enfance, ou encore des textes, comme La course de chariots de Sophocle. « C’est un objet intemporel, sans publicité, que nous voulons pur, ludique et sophistiqué. Il est imprimé en Islande sur l’un des meilleurs supports du monde, pour que personne n’ait envie de le jeter. Nous ne sommes que deux, et nous seuls décidons. Et si nous sommes ouverts aux investisseurs, ils doivent comprendre que nous voulons garder cette simplicité. » Entre la première et la quatrième édition, il est passé de 200 exemplaires à 5 000. Pas encore assez pour en vivre, alors il continue ses voyages low-costs en covoiturage et Airbnb. Prochaine étape ? « J’aimerais beaucoup exposer ces photos. D’ailleurs je crois que Monaco serait vraiment l’endroit idéal…» www.lollipop-gp.com et Instagram : lollipopmagazine