Un domestique employé pendant dix-sept mois au noir
Le travail dissimulé suppose un lien de subordination et une rémunération. Mais une richissime Iranienne, résidant en Principauté, est allée bien plus loin dans la violation des conditions d’embauche. D’où sa convocation devant le tribunal correctionnel. Pas moins de six infractions étaient reprochées à cette résidente de la Principauté, absente à l’audience : non-paiements de salaires, d’indemnités de préavis et de congés payés, absences de bulletins de salaire, de certificat de travail, de solde de tout compte. Elle avait employé, dans l’illégalité la plus totale, entre le 21 mars 2013 et le 20 octobre 2014, un factotum philippin. Soit dix-sept mois de travail au noir ! Le plaignant, âgé d’une trentaine d’années, devait s’occuper de conduire la voiture, du jardin, de la surveillance de la propriété, de l’entretien, du service pour les repas comme pour les réceptions, etc. Il n’a pas osé, devant les juges, dénoncer le nombre d’heures travaillées quotidiennement. Outre la soumission à de telles conditions de travail, cet Asiatique n’avait pas trop de latitude pour protester : il était en situation irrégulière ! Il en était donc réduit au bon vouloir de sa patronne et à patienter en silence… Jusqu’au jour où, excédé, il réclame avec force la régularisation de son embauche. Il est licencié sur le champ ! Un peu désemparé, l’homme à tout faire essaie d’avancer dans ses démarches sociales. Mais sans papier, sans contrat ni documents officiels… Il ne peut obtenir aucune compensation financière après la perte d’un salaire théorique de 1 800 euros plus 200 euros d’indemnité pour les repas. Démuni de tout et dans une situation intenable, il décide de porter plainte deux ans plus tard…
« Je n’avais aucun contrat ni bulletin de salaire»
« Vous êtes entendu par la police le 19 octobre dernier, note le président Florestan Bellinzona. Rien n’avait été régularisé. Pourquoi avoir attendu autant de temps ? » Le domestique, un peu désemparé, aidé par une interprète à cause d’une méconnaissance de la langue française, balbutie : « Je ne connaissais pas… Je ne savais pas… Je n’avais aucun contrat ni bulletin de salaire pour prouver la fonction occupée. Je n’ai jamais pu revoir cette dame… Mais j’avais conservé les échanges de SMS sur mon téléphone. Cela montrait bien que je travaillais pour Madame. » Pour soutenir son client, Me Raphaëlle Svara, au nom de la partie civile, ajoute : « La personne concernée se trouve au-dessus des lois. Elle jette son serviteur sans égard et ne répond pas aux convocations de la Sûreté publique en prétextant chaque fois qu’elle est souffrante. Mon client n’a aucun papier… Il a des enfants et il s’est trouvé du jour au lendemain sans salaire. Nous réclamons 10 000 euros d’indemnités. » L’intention de nuire de la femme mise en cause exaspère le procureur général adjoint Hervé Poinot. Presque attristé, il déclare : « Certes, la prévenue à tout fait pour fuir ses responsabilités. Mais l’ensemble des contraventions sont prescrites par la loi d’amnistie du 5 janvier 2015. Les faits étant antérieurs à cette date, vous ne pourrez pas entrer en voie de condamnation. » Bien que l’action civile ne soit pas complètement éteinte, le tribunal ne pourra pas statuer sur ce qui est reproché à l’auteur des faits.