Et Renault créa le turbo
Le constructeur français célèbre cette saison le quarantième anniversaire de son entrée en piste avec la révolutionnaire RS 01 à moteur turbocompressé. Le top départ d’une sacrée trajectoire
C’était hier. Ou presque. Il y a quarante ans quasiment jour pour jour. Une éternité. Le 14 mai 1977, sur les Champs-Élysées, à deux pas de l’Arc de Triomphe, une drôle de Formule 1 est dévoilée en grande pompe dans l’écrin du Pub Renault. Devant des regards ébahis, la RS 01 concrétise là l’engagement du Losange au sommet de la pyramide du sport automobile annoncé six mois plus tôt, le 10 décembre 1976. Un constructeur généraliste qui s’en va défier les artisans anglais, voilà un défi qui fait couler beaucoup d’encre et de salive dans les paddocks. D’autant plus que le nouveau joyau de la «Régie» s’avère pour le moins anticonformiste: petit châssis, simple et astucieux, pneus Michelin radiaux et, surtout, moteur V6 turbo 1 500 cm3. De quoi rivaliser avec les V8 et V12 3 litres atmosphériques de la concurrence ? François Castaing, responsable du programme, Gérard Larrousse, président de Renault Sport, et Jean Sage, son directeur sportif, y croient dur comme fer. «J’arrive en F1 avec Renault pour devenir champion du Dimanche mai : dix mois après son baptême du feu en Grand Prix, c’est à Monaco que la Renault RS franchit pour la première fois une ligne d’arrivée. Avec un turbo à bout de souffle, Jean-Pierre Jabouille avait fini à quatre tours de la Tyrrell victorieuse de Patrick Depailler (ici au second plan).
monde », martèle d’ailleurs Jean-Pierre Jabouille, le pilote maison en charge du développement et du baptême de cette pionnière attendue au tournant.
Entrée en piste le juillet
Après une campagne d’essais plutôt poussive entamée au Castellet, celle-ci entrera en piste un 14 juillet, date symbolique, lors du Grand Prix de Grande-Bretagne 1977. Le début d’un apprentissage
long et douloureux qui suscite scepticisme et moquerie. Affectueusement surnommé le « yellow tea pot» (la théière jaune) par nos chers voisins d’outre-Manche en raison de ses casses mécaniques répétitives dans un nuage de fumée, la RS 01 enchaîne une non-qualification et quatre abandons. Personne n’imagine alors un instant que la «Formule reine » est en train de changer d’ère. Et pourtant… Le
commando noir et jaune ne baisse pas les bras. L’exercice 1978 débute de manière tout aussi chaotique, à Kyalami et Long Beach, où le damier reste une cible inaccessible. Mais l’éclaircie survient enfin dans les rues de Monaco. Clin d’oeil du destin, c’est sur le terrain a priori le plus défavorable aux moteurs suralimentés que Jabouille coupe sa première ligne d’arrivée le 7 mai 1978 (voir ci-dessous). S’il termine
10e à 4 tours de la Tyrrell victorieuse pilotée par son compatriote Patrick Depailler, le « Grand Blond » devance tout de même la Lotus d’un certain Mario Andretti, futur champion du monde. Ce résultat décuple les énergies et enclenche une progression sensible. Après les premiers points décrochés à Watkins Glen (4e du GP des États-Unis 1978, le 1er octobre) et la première pole position obtenue en Afrique du Sud cinq mois plus tard, l’heure de la victoire fondatrice sonne sur la piste dijonnaise du Grand Prix de France, le 1er juillet 1979. Jabouille ne coiffera jamais la couronne suprême mais il signe un succès historique. Au diable les quolibets et autres sarcasmes « made in England » !
Monaco : Prost y était presque…
La technologie du turbo monte en puissance. Elle gagne du terrain et séduit la concurrence. En Principauté, c’est Ferrari qui la fait triompher en 1981 grâce à l’acrobate canadien Gilles Villeneuve. Renault manquera le coche de justesse l’année suivante, Alain Prost, solide leader, partant à la faute à trois boucles du but sur une piste subitement devenue glissante. Aujourd’hui, c’est au tour des moteurs V6 turbo hybride d’en découdre. Revenu l’an dernier en tant qu’écurie complète, le Renault Sport F1 Team s’attaque à un nouveau challenge : briser l’hégémonie Mercedes à moyen terme. Une autre histoire? D’aucuns disent encore que ça ne marchera jamais…