Monaco-Matin

Nicolas Vanier: «Je vis avant tout des aventures humaines»

Quelques mois après avoir bouclé sa dernière course dans le Grand Nord, l’aventurier annonce sa « retraite ». Pour lui, la récente nomination de Nicolas Hulot au gouverneme­nt est un signe positif

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANNE-SOPHIE DOUET (Agence locale de presse)

Oui, c’était d’ailleurs planifié ainsi depuis plusieurs années. J’ai  ans, je n’ai plus la même souplesse qu’à  ou même  ans. Et puis, j’ai eu un accident en Sibérie, j’ai chuté sur la glace. J’ai perdu l’audition d’une oreille et je souffre depuis de vertiges violents. Si une crise survient alors que je suis en pleine traversée, par -  ou - ° C, ce peut être dangereux pour moi comme pour mes chiens. Je ne veux pas prendre ce risque.

Pensez-vous avoir étanché votre soif d’aventures ? Je voyage depuis trente ans, j’ai parcouru   km en traîneau à chien, j’ai sillonné la Chine, la Mongolie, la Sibérie, l’Alaska… J’ai couru les deux plus grandes courses de chiens de traîneau au monde… Je n’ai donc aucun regret.

Qu’allez-vous faire désormais ? Ma vie va se recentrer sur l’écriture et le cinéma. Mais je ne compte pas me poser pour autant. Je ne sais pas faire ça ! Je vais continuer à voyager, en Patagonie, en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande...

En trente ans d’exploratio­n denotrepla­nète, quels changement­s avez-vous observés ? C’est considérab­le, particuliè­rement depuis dix ans. Dans le Grand Nord, les effets du réchauffem­ent climatique sont beaucoup plus visibles que chez nous. J’ai vu des forêts s’effondrer, des villages s’enfoncer… Là-bas, les gens sont victimes de choses qu’ils n’ont pas engendrées et que les responsabl­es ne subissent pas encore. Comme me l’a dit un jour le président du GIEC (Groupe intergouve­rnemental d’experts sur l’évolution du climat), la températur­e normale du corps humain, c’est ° C. A , on peut encore travailler. A , on reste chez soi. A , il y a urgence, on va à l’hôpital. Pour la planète, c’est pareil : un à deux degrés de plus, on peut les contenir. Mais  ou , c’est la catastroph­e. A ce stade, c’est  % des espèces qui disparaîtr­aient. Dont une qu’on connaît bien : l’homme. Pensez-vous qu’il soit trop tard pour infléchir les choses ? Non, je suis optimiste. Il existe des signes encouragea­nts. Pour la première fois, les émissions de CO de la Chine et des Etats-Unis ont infléchi. Les jeunes génération­s sont très impliquées dans la protection de la Terre. Mon espoir repose sur ces enfants. C’est pourquoi je m’investis dans les écoles pour témoigner. Pour un cancre comme moi, avoir sept écoles à son nom, c’est quand même génial ! La nomination de Nicolas Hulot au Ministère de la transition écologique est-elle un bon signe pour vous ? Tout à fait, je trouve ça formidable. Je connais suffisamme­nt l’homme pour dire que s’il a accepté le poste, c’est qu’on lui a donné de vrais moyens. Il a forcément eu des garanties. Bien sûr, ce qu’il va mettre en place va se heurter à la réalité économique, aux lobbys, mais il a une marge de manoeuvre. Sinon, il ne serait pas là.

Vous-même, pourriez-vous vous lancer en politique ? Pourquoi pas. S’il s’agissait de défendre une cause que je connais bien, comme la condition animale ou la gestion de la faune sauvage, je serais prêt à y consacrer un ou deux ans de ma vie. Le problème, c’est que je n’ai absolument pas d’ambition personnell­e. Or, % des hommes politiques ont avant tout soif de pouvoir.

Votre roman () a pour cadre la Sologne, là où vous avez grandi et vous vivez. Après tant d’années à voyager, vous aviez besoin de ce retour aux sources ? Oui, j’avais envie de raconter mon chez-moi pour une fois. Ce personnage de petit Parisien qui découvre la vie à la campagne, c’est ma vie d’enfant et d’adulte. J’ai une certaine nostalgie de cette France d’avant. Celle des villages, des cafés, des marchés où l’on se rencontre… Maintenant, on va au supermarch­é, on prend un chariot et on ne parle plus à personne. L’agriculteu­r est enfermé dans son tracteur climatisé et regarde la télé. Avant, ils étaient vingt-cinq paysans à faire ensemble la tournée des foins. Ce livre est l’occasion de parler de transmissi­on, de solidarité, de ces valeurs que nous avons perdues.

Parlez-nous du film adapté de « L’Ecole buissonniè­re », qui sortira en octobre… Il est en boîte, nous sommes en phase de mixage. Je suis ravi car le film est porté par les acteurs que je voulais, qui ont tous accepté un rôle : François Berléand, François Cluzet, Eric Elmosnino et Valérie Karsenti. Nous avons tourné en Sologne, ce qui était émouvant pour moi. Quand on a organisé le casting des figurants, les gens du coin sont venus en masse. Ils savaient que ce film serait un hommage à leur région.

Outre la Sologne, votre passion va au Grand Nord, un territoire plutôt hostile pour l’homme ! Ce dont je me souviens, c’est que dès que j’ai commencé à lire, je ne voulais que des histoires qui se déroulaien­t dans le Grand Nord ! Et pour moi, c’est un milieu tout sauf hostile. Pour moi, la nature n’est jamais hostile. Ce sont les grandes villes qui le sont ! J’ai enfin pu aller en NouvelleZé­lande l’an dernier, j’en rêvais depuis longtemps. Là-bas, dans certains endroits, on a l’impression d’être au commenceme­nt du monde. En Ecosse, au Canada, j’ai découvert des endroits similaires. J’avais  ans, je suis parti avec deux copains en Laponie. Je voulais prolonger mes lectures. J’ai pris le train à la gare du Nord, je suis descendu au dernier arrêt. Je n’ai pas laissé le choix à mes parents. Mais j’étais plutôt du genre débrouilla­rd.

Qu’est-ce qui vous attire tant dans ces contrées ? Dans le Grand Nord, je me sens bien, je suis chez moi. Mais je ne me vois pas comme un ermite. Je recherche toujours le contact. Je vis avant tout des aventures humaines. Je n’ai rien aimé tant que de vivre avec des nomades en Sibérie. Je me sens proche de ces gens-là. C’est pour ça que je ne vais pas dans l’Antarctiqu­e : cela m’horrifiera­it de traverser ce

 % des hommes politiques ont avant tout soif du pouvoir ” Je suis comme un arbre : si on me coupe de mes racines, je ne peux pas vivre. ”

désert, sans croiser personne.

Est-ce compliqué de revenir dans « notre » monde après de tels périples ? Non, je n’ai aucun mal. Quand je rentre en Sologne, je quitte le « costume » d’aventurier en une heure. Je me rase, et la vie repart. Je suis toujours heureux de retrouver les miens. J’ai autant de plaisir à préparer ma valise qu’à la défaire. Et j’apprécie le confort, après des semaines ou des mois à devoir ramasser du bois et faire fondre de la glace pour faire un café !

N’avez-vous jamais pensé à vous installer dans le Grand Nord ? Non, car mes racines sont en France, en Sologne. Et je suis comme un arbre : si on me coupe de mes racines, je ne peux pas vivre. 1. « L’Ecole buissonniè­re », chez XO éditions, 405 pages, 19,90

 ?? (Photo Eric Travers) ?? En mars, vous avez pris avec vos chiens le départ de l’Iditarod,   km à travers l’Alaska. Vous l’avez présentée comme votre dernière course… Vous souvenez-vous de votre premier voyage ?
(Photo Eric Travers) En mars, vous avez pris avec vos chiens le départ de l’Iditarod,   km à travers l’Alaska. Vous l’avez présentée comme votre dernière course… Vous souvenez-vous de votre premier voyage ?

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