Monaco-Matin

Chiris, le parfumeur de Grasse élu député à la va-vite en 

- ANDRÉ PEYREGNE

Léon Chiris a été au nombre des grands députés des Alpes-Maritimes. Il a épousé la République. Au sens propre comme au figuré. Il s’est marié avec la fille du président de la République Adolphe Thiers. Plus tard, ses deux filles et son fils, épousèrent respective­ment les deux fils et une petite-fille du président Sadi Carnot. On ne saurait être davantage lié à la République ! Cela ne l’empêcha pas de se laisser approcher par la monarchie. Et au plus haut niveau ! En 1891, lui, Léon Chiris, reçut à dîner à son domicile à Grasse, la reine d’Angleterre Victoria en personne. Cette rencontre fit la une du magazine London News. Quel est cet éminent personnage dont une statue et un lycée portant son nom perpétuent le souvenir à Grasse ? Né dans cette ville en décembre 1939, il descend d’Antoine Chiris, créateur d’une des plus célèbres parfumerie­s au XVIIIe. Sa mère, Claire Isnard, était la fille d’un banquier mais aussi la nièce de Maximin Isnard, député révolution­naire du Var sous la première République, également parfumeur. Léon Chiris donna un essor à l’entreprise familiale qui fit de lui l’un des plus grands parfumeurs du monde. Dans l’Algérie nouvelleme­nt conquise, il installe en 1 865 à Boufarik, près de Blida, une usine de trois mille mètres carrés, entourée de huit cents hectares de fleurs, d’orangers et d’eucalyptus. Il importe le musc de Chine, la badiane du Tonkin, le benjoin de Cochinchin­e, le patchouli et la citronnell­e d’Indonésie, le cananga de Madagascar, emploie trois cent cinquante ouvriers à Grasse, fait travailler une centaine de producteur­s dans le Sud-Est et des milliers d’ouvriers à travers le monde. En 1899, il rachète à Moscou les célèbres parfums Rallet, qui sont ceux de la cour du tsar. Son usine de la Place-Neuve, à Grasse, étant devenue trop petite, il la transfère en contrebas de la ville dans un bâtiment de style mauresque identique à celui de Boufarik en Algérie. Les Grassois ont vite fait de l’appeler la Mosquée. L’usine, abandonnée en 1980, a laissé place au Palais de Justice de Grasse. C’est cette usine que vint visiter en 1 891 la reine Victoria, avant de se rendre au domicile de Léon Chiris, le château Saint-Georges, devenu, aujourd’hui, un lieu de réception et séminaires.

Il vote les grandes lois de l’époque

En 1891, Léon Chiris est déjà entré en politique depuis dix-sept ans. Et cela, dans des conditions précipitée­s, à la suite du suicide du député niçois Constantin Bergondi en 1 874. Ayant accompli les deux années restantes du mandat de son prédécesse­ur, il se fait réélire en 1 876 avec un nombre de voix à faire rêver tous les candidats à la députation : 11 700 sur 12 000 votants. C’est dire s’il était populaire. Il siégeait au centre gauche. Il vota les grandes lois de l’époque : l’amendement Wallon prévoyant l’élection du président de la République à la majorité des suffrages des sénateurs et des députés, la loi portant sur le retour de la Chambre des députés à Paris (ils siégeaient jusqu’alors à Versailles), les grandes lois sur la presse, il vota aussi l’invalidati­on du député de PugetThéni­ers Auguste Blanqui, considéré comme terroriste. En 1882, Léon Chiris fut appelé au Sénat pour remplacer le sénateur des Alpes-Maritimes Joseph Garnier, décédé. Se sentant vieillir, bien que seulement âgé de 60 ans, il initia son fils Georges à ses affaires et l’envoya à New York créer une filiale américaine. Il voulait atteindre le XXe siècle. Il le connut à peine : il mourut le 16 janvier 1900.

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(Photos DR) Léon Chiris a reçu la reine Victoria dans son Château Saint Georges à Grasse. 3

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