Bayrou le silencieux
« Bayrou n’est pas un enfant de choeur. Son silence est-il une revanche ? »
Alors que la pression se fait de plus en plus forte dans ce qu’il faut bien appeler désormais « l’affaire Ferrand », la discrétion de François Bayrou, le nouveau garde des Sceaux, en charge de rédiger la première grande loi du quinquennat sur la moralisation de la vie publique, devient de plus en plus étonnante. Le patron du Modem n’a-t-il pas justifié son ralliement à Emmanuel Macron au nom de la morale ? N’a-t-il pas été le grand imprécateur contre François Fillon dans l’affaire des présumés emplois fictifs de son épouse Pénélope ? Il n’avait pas de mots assez durs contre le candidat républicain, allant jusqu’à déclarer que sa candidature menaçait la démocratie ! Son meilleur allié dans cette charge s’appelait d’ailleurs Richard Ferrand, alors secrétaire général du mouvement « En marche ! ». Lui aussi, morale en bandoulière, fustigeait l’adversaire au canon : « L’affaire Fillon souille
tous les élus de France. » L’histoire, comme souvent, est taquine, jusqu’à devenir cruelle. Fillon terrassé, la victoire présidentielle acquise, alors que la probité est en marche, voici Richard Ferrand pris à son tour dans le grand vent de la suspicion, traîné devant le tribunal de plus en plus implacable de la transparence. Les faits s’accumulent qui donnent à croire qu’il a peut-être mélangé intérêts privés et intérêts publics. Lui aussi, en outre, n’a pas hésité à faire de son fils un attaché parlementaire. Quatre mois, c’est peu mais c’était en , c’est-à-dire après l’adoption en des lois relatives à la transparence de la vie publique voulues par François Hollande. Certes, aucune procédure n’est engagée, mais la machine médiatique est à l’oeuvre et chaque jour apporte son lot d’informations nouvelles, troublantes, sur ce Saint-Just de la vertu. Tout comme François Fillon, hier, Richard Ferrand est d’autant plus exposé qu’il a délivré de tonitruantes leçons de morale. On imagine que Bayrou le probe a un point de vue. Mais le garde des Sceaux se tait. Certes, il est ministre mais il est désormais le chef d’orchestre de la moralité politique et l’on aimerait l’entendre. Son silence est tel qu’il finit par intriguer. Oublie-t-il qu’un ministre est là-aussi pour servir de bouclier au Président ? Faute de s’exprimer, il l’expose, le pousse lentement en première ligne. Pense-t-il que les faits ne méritent pas d’être examinés par la justice ? Alors qu’il le dise. S’il estime le contraire, qu’il parle ! A moins qu’en vieux renard, il ne veuille pas se mouiller pour défendre son collègue à présent ministre de la cohésion territoriale. Il n’a guère apprécié son attitude lors du débat sur le nombre de candidats du Modem aux législatives. Ferrand fut alors implacable et Bayrou dut en appeler à l’arbitrage d’Emmanuel Macron. Bayrou n’est pas un enfant de choeur. Son silence est-il une revanche ? Ainsi va la politique, même chez les vertueux…