Mareyeurs: vol au-dessus d’un panier de crabes
Au deuxième jour du procès à Nice, des pratiques peu ragoûtantes ont été mises au jour
Un vrai panier de crabes. Rien d’une formule de journaliste, ce sont les mots d’Emmanuel Baghdassarian, 36 ans, surnommé le « nettoyeur » et salarié des Mareyeurs du Sud-Est. Il comparaissait hier, comme 49 prévenus, dans le procès de cette société niçoise impliquée dans un vaste scandale (nos éditions d’hier). Son sobriquet de « nettoyeur» il le devait au fait qu’il était chargé de virer les salariés indélicats. Ce qui peut prêter à sourire lorsque l’on sait qu’une bonne partie de la société vivait du « black » et de la tromperie organisée. La première journée d’audience avait permis de mettre au jour les centaines de milliers d’euros que brassaient, en liquide, les «Mareyeurs du Sud-Est ». Hier, le président du tribunal, David Hill, a disséqué certaines pratiques de la société. Comme on décortique minutieusement un crabe en tentant de débusquer les moindres cavités abritant de la chair. Quand « le nettoyeur » est arrivé dans l’entreprise, il a contrôlé un bon de commande de 40 kg de moules. Surprise: le camion prêt à partir en contenait le double. « On m’a répondu tu verras, ça s’appelle du moit’moit’. La direction m’a dit que c’était comme ça que ça se passait. » Le reste était payé en liquide par les restaurateurs, au nez et à la barbe du fisc. Des patrons de restos qu’on a vu défiler à la barre hier. Les noms des établissements les plus prestigieux de fruits de mer et de poissons de la Côte d’Azur ont été égrenés, de Menton à Nice, en passant par Cagnessur-Mer, ou Cannes. Ce fut le cas hier de l’Ondine à Cannes, ou du Grand Bleu, un établissement de fruits de mer connu du Cours Saleya à Nice. L’occasion de replonger dans le casier (judiciaire) du patron, déjà condamné plusieurs fois pour tromperie sur la marchandise ou vente de produits avariés. Interrogeant chaque prévenu, David Hill s’est attardé sur la technique du « homard endormi». À défaut d’avoir des moeurs irréprochables, les mareyeurs ne pêchent pas par manque d’expressions imagées. Endormis? Ces langoustes ou homards étaient en fait mourants et vendus à prix cassés. Comme à Noël Rivière, ce poissonnier qui gérait alors les «Pêcheries de Vence». On découvrira à la barre qu’il était frappé d’une interdiction d’exercer liée à une précédente condamnation. -« Vous trouvez normal d’acheter des crustacés presque morts ?», cingle le président. -« Je savais ce que j’achetais». -« Et vos clients ? » -«...» Des pratiques consternantes qui s’ajoutent au réétiquetage que pratiquaient les « Mareyeurs du Sud-Est» en jouant avec la date limite de consommation et donc avec la santé de leurs clients. Le procès reprendre mardi. Jeudi ce sera au tour des parties civiles et le réquisitoire. Vendredi et lundi, la défense prendra la parole. Le délibéré est annoncé pour le 16 juin.