Monaco-Matin

De l’Escarène à Toulon : la chute du général Brunet

- ANDRÉ PEYREGNE

C’est un homme du monde, riche et cultivé, que les Varois envoyèrent à l’Assemblée nationale en 1837 : Alphonse Denis. Il était maire d’Hyères depuis 1830 et avait donné à sa ville son essor touristiqu­e et ses plantation­s de palmiers. Pourtant, au début, pour les Hyérois, il était l’« estrangié ». Il venait d’ailleurs. Et cet ailleurs était Paris. Il y était né en 1794, avait fait l’École militaire et s’était distingué à la bataille de Montereau, où l’Empereur en personne lui avait remis la Légion d’honneur. En 1824, au hasard d’un voyage, il découvre le charme d’Hyères. Il décide d’y vivre avec sa maîtresse, Marie-Thérèse Camusat, jeune et riche veuve d’un notaire parisien. Ils s’installent. Elle achète des propriétés. Il mène une vie de rentier, fréquentan­t les sociétés culturelle­s de la ville, écrivant des articles philosophi­ques et littéraire­s, rédigeant une « Promenade pittoresqu­e dans Var ».

Il fait du palmier le symbole de sa commune

Le 25 août 1830, à la suite du décès du maire François de Boutiny, le sous-préfet de Toulon lui propose d’occuper le poste. Il accepte et sera régulièrem­ent réélu jusqu’en mars 1848. S’étant séparé de Marie-Thérèse Camusat – qui n’oubliera pourtant pas de le coucher sur son testament - il épouse, en 1833, l’héritière du riche tailleur de la cour d’Angleterre, Georges Stulz, venu à Hyères pour raison de santé, bienfaiteu­r de la ville jusqu’à sa mort. Il s’installe dans la propriété héritée de ce dernier, près de l’ac tuelle place Clemenceau, et y crée un jardin d’acclimatat­ion. Il modernise la ville, veut en faire un centre touristiqu­e internatio­nal. Il reçoit chez lui le prince de Hohenzolle­rn, la reine Marie d’Espagne, des écrivains comme Alexandre Dumas, Abel Hugo, Lamartine, Taine, des historiens comme Jules Michelet, des scientifiq­ues comme André Marie Ampère, des musiciens comme Franz Liszt. Sa demeure est un vrai salon parisien. Il fait planter des palmiers. Le palmier devient ainsi le symbole de la ville. Il fait construire un théâtre sur sa propriété, l’actuel Théâtre Denis. En 1834, il songe à devenir député. Il échoue lors de sa première tentative, mais est élu en 1837. Il siégera dans la majorité monarchiqu­e. La France est alors sous le règne du roi Louis-Philippe. Il sera régulièrem­ent réélu jusqu’en 1846, s’engageant notamment dans la constructi­on des grandes lignes de chemins de fer en France.

Plusieurs fois battu

C’est le grand début du transport ferroviair­e dans le pays. Il pressent l’avantage touristiqu­e que pourra en tirer un jour sa ville d’Hyères. Son élection en 1842 se fait contre Frédéric Portalis. Il retrouve ce même adversaire aux élections de 1846, mais est alors battu par lui. Moins d’un mois après l’élection, Portalis meurt subitement à l’âge de 42 ans. Alphonse Denis se présente à nouveau. Cette fois-ci, c’est le frère du défunt, Ernest Portalis, qui se présente contre lui et qui l’emporte. L’élection est invalidée. Alphonse Denis se présente à nouveau. Et à nouveau, il est battu par Ernest Portalis. Cette fois-ci, c’en est trop. Alphonse Denis se retire de la vie politique. À 52 ans, il reprend son ancienne vie de rentier. Il est veuf. Le hasard lui faisant à nouveau rencontrer une riche héritière, il se remarie en 1848 avec la veuve d’un homme d’affaires anglais. Il est redevenu l’ « estrangié » pour reprendre le titre de la biographie que lui a consacré Alain Cointat. Il meurt en 1876, à l’âge de 82 ans. Ses jardins portent aujourd’hui son nom. Ils ont été partiellem­ent transformé­s en parkings, satisfaisa­nt ainsi aux exigences d’une invention dont Alphonse Denis, au milieu de ses palmiers, était loin d’imaginer le culte dont elle serait l’objet un jour : l’automobile !

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 ?? (Photos DR) ?? Alphone Denis a fait l’objet d’une biographie sous la plume d’un Parisien tombé sous le charme d’Hyères. Les jardins AlphonseDe­nis, partiellem­ent transformé­s depuis en parkings.
(Photos DR) Alphone Denis a fait l’objet d’une biographie sous la plume d’un Parisien tombé sous le charme d’Hyères. Les jardins AlphonseDe­nis, partiellem­ent transformé­s depuis en parkings.

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