Monaco-Matin

Sarah Ourahmoune : « Rio, le combat d’une vie »

Dimanche 18 juin à 20h50, Canal+ diffuse « Sarah, la combattant­e ». Un documentai­re poignant sur la boxeuse française, vice-championne olympique l’été dernier au Brésil

- MANON GAZIELLO

Sarah Ourahmoune est de ceux qui ne lâchent jamais. Si elle a raccroché les gants, elle continue de se cogner à la vie. Son parcours, ponctué par une médaille d’argent aux JO de Rio, force le respect. « Sarah, c’est une défricheus­e. Je suis fière d’avoir suivi au plus près son combat et d’avoir vu toutes les portes qu’elle a ouvertes pour les autres» confie Mélissa Theuriau, productric­e du documentai­re signé Cédric Balaguier. Rythmé et dynamique, le film retrace une carrière hors normes.

« Sport de brutes »

L’histoire débute en 1996. A l’époque, les femmes n’ont pas l’autorisati­on de boxer. Sarah a quatorze ans. Elle vient de déménager à Aubervilli­ers et cherche un club de taekwondo. Le destin l’amène à pousser la porte d’une salle de boxe. « Saïd Bennajem m’a accueilli, je lui ai posé quelques questions mais il ne me proposait pas ce que je recherchai­s. Il m’a dit boxe anglaise, j’ai répondu sport de brutes. » Pourtant, l’adolescent­e accepte de revenir le lendemain. L’odeur de la sueur et les marques de coup sur les habitués de la salle ne l’effraient pas. Au contraire, c’est la révélation. «Je suis tombée amoureuse de ce sport » raconte-t-elle. Aux côtés de Saïd, la gamine introverti­e devient Sarah Ourahmoune, celle qui ne recule devant rien. Pas même devant les remarques misogynes. «Les gens n’étaient pas habitués à voir une fille avec les gants. Parfois on me disait de retourner dans la cuisine. Dans certaines salles, on ne voulait pas que je m’entraîne. Je n’avais même pas de vestiaire pour me changer » se souvient Sarah. Malgré tout, son entraîneur lui donne confiance. « Saïd m’encouragea­it tout le temps, j’ai eu besoin de ça pour me lancer. Il a contribué à me construire en tant que personne » poursuit-elle. Sous ses conseils, elle monte sur le ring dès l’arrivée des combats féminins, en 1999. «A partir de là, j’ai gagné ma Sarah Ourahmoune, ici avec Mélissa Theuriau (à droite) et Cédric Balaguier (à gauche), productric­e et réalisateu­r du documentai­re, sont venus récemment présenter ce dernier à Nice, au Palais Nikaïa, lors d’une soirée réservée aux abonnés Canal +.

place. On m’a vraiment respecté car de nombreux hommes s’entraînaie­nt mais n’osaient pas franchir le cap du ring. Moi je l’ai fait. » Très vite, l’enfant d’Aubervilli­ers a soif de titre. « Je me suis inscrite aux Championna­ts de France dès que j’ai pu. Je me suis rendu compte que j’aimais la compétitio­n. Au départ je ne m’imaginais pas être une grande championne, ça s’est construit petit à petit. Je ne me suis pas posée de question. »

Marseillai­se volée

En 2008, Sarah se retrouve en finale des championna­ts du monde, en Chine. La Française maîtrise son match, la victoire lui tend les bras. Finalement, son adversaire, qui jouait à domicile, l’emporte.

« On m’a volé ma Marseillai­se. Plusieurs fois, j’ai eu envie de tout envoyer en l’air. Je me disais que je pouvais m’entraîner tant que je voulais, ça ne marcherait pas parce qu’on ne voulait pas de moi. Mais j’ai réussi à trouver la force pour qu’on ne décide pas à ma place. Je ne voulais pas avoir de regret. » Cette défaite marque un tournant pour la sportive, une blessure ouverte qui lui a donné la rage de croire en son rêve: participer aux Jeux Olympiques de Londres, les premiers pour la boxe féminine. Si elle semble favorite pour décrocher son ticket, la Française échoue à se qualifier. Dans sa tête, c’est le chaos. La championne abandonne sa carrière. Cédric, qui la filme depuis près de dix ans, met son projet entre parenthèse­s

: « Personne ne voulait du documentai­re. Mélissa, c’est la seule qui y a cru. » Malgré les découragem­ents, le binôme se bat pour donner vie à ces images sur Sarah, qu’ils considèren­t comme «un modèle de volonté et d’espoir pour de nombreuses jeunes filles à qui on interdit de rêver. »

La revanche à Rio

Pour la combattant­e, le goût amer de la défaite se transforme en délicieuse envie de forcer le destin. Elle est ambitieuse et refuse de laisser les Jeux lui échapper. «L’échec de Londres a été très compliqué mentalemen­t. Je me suis consolée dans mes projets d’entreprise mais la douleur était toujours là. J’avais besoin d’y retourner. » Alors, Ourahmoune remonte

sur le ring. Et tant pis si elle n’a pas boxé depuis deux ans. «Quand je suis revenue j’étais plus déterminée que jamais, je m’imposais, je n’étais plus là pour me faire des copines. » lance la boxeuse tricolore. Son pari est osé mais sa déterminat­ion est grande. «Rio, c’est le combat d’une vie »témoigne Sarah, émue. « J’ai appelé Cédric et je lui ai dit que je repartais au combat. S’il voulait terminer le film, c’était le moment. » La suite, on la connaît. La Française brigue la médaille d’argent pour devenir vicechampi­onne olympique dans la catégorie des moins de 51 kg. Impensable quelques mois plus tôt, lorsque Sarah, bien loin du sport, donnait naissance à son premier enfant. « A Rio, j’étais concentrée, je

suis allée au bout de moimême, je n’aurais pas pu faire plus. » Son objectif atteint, la championne tire sa révérence pour ouvrir un nouveau chapitre de sa vie. « Je n’ai pas vécu la petite mort du sportif, j’avais préparé ma fin de carrière. On ne m’a pas forcé à partir, c’est moi qui l’ai décidé. » Aujourd’hui, à 35 ans, elle souhaite mettre son expérience à profit pour favoriser l’insertion profession­nelle des jeunes du 93. Mais ça n’est pas tout. Celle qui se définit comme une « working-girl débordée » développe en parallèle des gants de boxe connectés. Sarah la combattant­e porte bien son nom, tous les défis lui sont permis.

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