Les polluants, une menace pour le cerveau Prévention
L’exposition à ces substances pendant les premiers temps de la vie participerait de la progression des troubles du neurodéveloppement. S’en préserver constitue une urgence
Peut-on encore se brosser les dents ou se délasser dans un bain moussant sans craindre pour sa santé? Au lendemain de la parution par l’UFC-Que choisir d’une mise en garde contre produits cosmétiques, le magazine millions de consommateurs publiait jeudi dernier une liste des produits conseillés ou à éviter. Plusieurs cosmétiques sont mis au ban, car contenant des ingrédients soupçonnés en particulier d’être des perturbateurs endocriniens. Ces substances de synthèse, présentes dans les pesticides, plastifiants et solvants, entre autres, et qui se diffusent dans l’environnement et la chaîne alimentaire, sont en effet suspectées d’avoir un rôle dans l’augmentation de nombreux troubles et maladies. Comment en est-on arrivé là?
Avant, on mourait de maladies aiguës, infectieuses, de carences majeures, la mortalité infantile était très élevée… Et puis, ces maladies ont reculé, et on a vu progresser les maladies chroniques, diabète, obésité, cancer, maladies neuropsychiatriques et neurodégénératives, troubles du développement chez l’enfant de type autisme ou hyperactivité… «Ilya20ans,on était encore convaincu que toutes ces maladies trouvaient leur origine dans l’ADN, et que les progrès de la génétique allaient permettre de les vaincre, dès lors que l’on serait parvenu à identifier puis cibler les mutations en cause», se souvient le Pr Patrick Fenichel, chef du service d’endocrinologie, diabétologie et reproduction du CHU de Nice. Mais ces hypothèses allaient rapidement être mises à Le cerveau continue de se développer pendant l’enfance. D’où la nécessité de se protéger des perturbateurs pendant cette période.
mal par toutes les expériences conduites en laboratoire, impuissantes à les vérifier. « Il n’a alors fait aucun doute que ces maladies étaient polyfactorielles ; elles résultent d’une interaction entre un “fond génétique” et des facteurs environnementaux. Et ce sont bien ces facteurs qui sont responsables de la progression de ces maladies. » Parmi ces facteurs dits environnementaux figurent la nutrition, les conditions de vie, la sédentarité, le tabac et l’alcool, mais aussi l’exposition chronique à des polluants de natures diverses, capables d’agir sur le système hormonal (d’où le nom de perturbateurs endocriniens). Avec ces polluants chimiques, c’est tout le concept de la toxicologie qui a été modifié. « Jusque-là, pour évaluer la toxicité, on regardait les accidents survenant à fortes doses, avec des effets
immédiats. Aussi a-t-il fallu des années pour que soient reconnus des liens entre l’exposition à long terme à un polluant et l’apparition d’une maladie des décennies plus tard. Combien de temps aura-t-on ainsi mis avant de reconnaître que l’amiante était en cause dans le développement de cancers de la plèvre ! »
Des effets irréversibles
La vérité a ainsi progressivement fait surface, portée par plusieurs faits troublants décrits à travers le monde. Et « on a compris que l’exposition même à faibles doses, pendant des périodes sensibles de la vie – en particulier le développement foetal et l’enfance –, était capable d’imprimer des empreintes dites “épigénétiques”, soit des modifications de l’habillage des gènes, à l’impact majeur.» La progression
des troubles du neurodéveloppement chez l’enfant (troubles neuro-comportementaux, retard mental, de langage handicaps moteurs, etc.), devenus un fléau de santé publique (3 à 8 % des enfants concernés), pourrait trouver sa cause dans cette exposition précoce à des polluants chimiques. «Pendant toute la vie embryonnaire et l’enfance, le cerveau continue de se développer, explique le spécialiste. Les neurones prolifèrent, migrent et s’interconnectent. Ce programme épigénétique est très labile, très sensible à l’action de certains toxiques. Toute altération peut ainsi se traduire à long terme par des anomalies du neurodéveloppement.» Des effets irréversibles. Femmes enceintes, jeunes enfants, à l’abri de ces polluants !
« Quand la femme est enceinte, c’est déjà tard. Aussi est-il important d’axer les efforts avant la conception, en délivrant quelques conseils très simples. » « Un amaigrissement brutal va libérer transitoirement dans le sang, les polluants chimiques stockés dans les tissus graisseux. La grossesse est ainsi déconseillée dans l’année qui suit une chirurgie bariatrique (de l’obésité). » « Nous proposons aussi que ne soient plus servis ni réchauffés d’aliments dans des barquettes en plastique dans les cantines françaises. Et nous pourrions donner l’exemple dans la région en généralisant cet interdit. »