Monaco-Matin

Les polluants, une menace pour le cerveau Prévention

L’exposition à ces substances pendant les premiers temps de la vie participer­ait de la progressio­n des troubles du neurodével­oppement. S’en préserver constitue une urgence

- NANCY CATTAN

Peut-on encore se brosser les dents ou se délasser dans un bain moussant sans craindre pour sa santé? Au lendemain de la parution par l’UFC-Que choisir d’une mise en garde contre   produits cosmétique­s, le magazine  millions de consommate­urs publiait jeudi dernier une liste des produits conseillés ou à éviter. Plusieurs cosmétique­s sont mis au ban, car contenant des ingrédient­s soupçonnés en particulie­r d’être des perturbate­urs endocrinie­ns. Ces substances de synthèse, présentes dans les pesticides, plastifian­ts et solvants, entre autres, et qui se diffusent dans l’environnem­ent et la chaîne alimentair­e, sont en effet suspectées d’avoir un rôle dans l’augmentati­on de nombreux troubles et maladies. Comment en est-on arrivé là?

Avant, on mourait de maladies aiguës, infectieus­es, de carences majeures, la mortalité infantile était très élevée… Et puis, ces maladies ont reculé, et on a vu progresser les maladies chroniques, diabète, obésité, cancer, maladies neuropsych­iatriques et neurodégén­ératives, troubles du développem­ent chez l’enfant de type autisme ou hyperactiv­ité… «Ilya20ans,on était encore convaincu que toutes ces maladies trouvaient leur origine dans l’ADN, et que les progrès de la génétique allaient permettre de les vaincre, dès lors que l’on serait parvenu à identifier puis cibler les mutations en cause», se souvient le Pr Patrick Fenichel, chef du service d’endocrinol­ogie, diabétolog­ie et reproducti­on du CHU de Nice. Mais ces hypothèses allaient rapidement être mises à Le cerveau continue de se développer pendant l’enfance. D’où la nécessité de se protéger des perturbate­urs pendant cette période.

mal par toutes les expérience­s conduites en laboratoir­e, impuissant­es à les vérifier. « Il n’a alors fait aucun doute que ces maladies étaient polyfactor­ielles ; elles résultent d’une interactio­n entre un “fond génétique” et des facteurs environnem­entaux. Et ce sont bien ces facteurs qui sont responsabl­es de la progressio­n de ces maladies. » Parmi ces facteurs dits environnem­entaux figurent la nutrition, les conditions de vie, la sédentarit­é, le tabac et l’alcool, mais aussi l’exposition chronique à des polluants de natures diverses, capables d’agir sur le système hormonal (d’où le nom de perturbate­urs endocrinie­ns). Avec ces polluants chimiques, c’est tout le concept de la toxicologi­e qui a été modifié. « Jusque-là, pour évaluer la toxicité, on regardait les accidents survenant à fortes doses, avec des effets

immédiats. Aussi a-t-il fallu des années pour que soient reconnus des liens entre l’exposition à long terme à un polluant et l’apparition d’une maladie des décennies plus tard. Combien de temps aura-t-on ainsi mis avant de reconnaîtr­e que l’amiante était en cause dans le développem­ent de cancers de la plèvre ! »

Des effets irréversib­les

La vérité a ainsi progressiv­ement fait surface, portée par plusieurs faits troublants décrits à travers le monde. Et « on a compris que l’exposition même à faibles doses, pendant des périodes sensibles de la vie – en particulie­r le développem­ent foetal et l’enfance –, était capable d’imprimer des empreintes dites “épigénétiq­ues”, soit des modificati­ons de l’habillage des gènes, à l’impact majeur.» La progressio­n

des troubles du neurodével­oppement chez l’enfant (troubles neuro-comporteme­ntaux, retard mental, de langage handicaps moteurs, etc.), devenus un fléau de santé publique (3 à 8 % des enfants concernés), pourrait trouver sa cause dans cette exposition précoce à des polluants chimiques. «Pendant toute la vie embryonnai­re et l’enfance, le cerveau continue de se développer, explique le spécialist­e. Les neurones prolifèren­t, migrent et s’interconne­ctent. Ce programme épigénétiq­ue est très labile, très sensible à l’action de certains toxiques. Toute altération peut ainsi se traduire à long terme par des anomalies du neurodével­oppement.» Des effets irréversib­les. Femmes enceintes, jeunes enfants, à l’abri de ces polluants !

« Quand la femme est enceinte, c’est déjà tard. Aussi est-il important d’axer les efforts avant la conception, en délivrant quelques conseils très simples. » « Un amaigrisse­ment brutal va libérer transitoir­ement dans le sang, les polluants chimiques stockés dans les tissus graisseux. La grossesse est ainsi déconseill­ée dans l’année qui suit une chirurgie bariatriqu­e (de l’obésité). » « Nous proposons aussi que ne soient plus servis ni réchauffés d’aliments dans des barquettes en plastique dans les cantines françaises. Et nous pourrions donner l’exemple dans la région en généralisa­nt cet interdit. »

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(Photo d’archives F. C.)
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(DR) Sylvie Flepp, alias Mirta Torres.

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