Monaco-Matin

FRANCE-ITALIE DES LÉGENDES SAMEDI À NICE (ALLIANZ RIVIERA) « Au-delà du football »

Emmanuel Petit participer­a au match des légendes organisé en mémoire des victimes du 14 juillet. Pour l’ancien joueur d’Arsenal, l’émotion sera omniprésen­te dans l’enceinte niçoise

- PROPOS RECUEILLIS PAR M. FAURE

Emmanuel Petit a battu deux fois l’Italie avec les Bleus, en 1998 et lors de la finale de l’Euro 2000. Mais l’ancien milieu de terrain est surtout touché par les « circonstan­ces » de ce match des légendes. Je pense que ce n’est pas la peine de l’expliquer. Les mots sonnent creux dans ce genre de circonstan­ces. C’est quelque part un devoir.

Dans quel état d’esprit allez-vous préparer ce match ? On va essayer de procurer du plaisir aux gens même s’il ne faudra pas s’attendre à un grand match avec beaucoup de rythme. Certains d’entre nous n’ont plus le rythme ni même l’hygiène de vie de sportifs de haut niveau, on est surtout là pour la symbolique. L’émotion sera encore plus forte que lors de retrouvail­les classiques entre anciens joueurs même si, quand on fait ce métier, on est souvent confronté à l’émotion. Il se passe tellement de choses dans le monde actuelleme­nt qu’il faut être capable de se garder des parenthèse­s enchantées. Je n’ai pas oublié l’émotion des Anglais à Wembley lors du match qui avait suivi les attentats du  novembre. C’était un moment intense et tout le monde est uni à travers ce genre de tragédie. Mine de rien, on sera à Nice pour une cause qui dépasse le simple match de football. Notre attitude sera très importante. Évidemment, on ne va pas oublier le  juillet, on aura une pensée permanente pour les victimes et leurs familles. C’est très compliqué de se projeter quand on n’a pas vécu ça, alors on aura une seule mission, être digne.

On a l’impression que le football, et le sport en général, peut être un moyen de respirer après un attentat, c’est votre avis ? On prête souvent beaucoup de choses au football mais il est simplement une facette de la société. On va faire une fête commune et passer un bon moment ensemble.

France-Italie, c’est une opposition particuliè­re pour vous ? Ce sont mes premières émotions avec la bande à Platini en Coupe du monde . Mais c’est surtout notre double confrontat­ion en  et à l’Euro . Deux matches incroyable­s avec des dénouement­s fous, qui se jouent sur des détails. Au-delà de ça, quand on me parle de l’Italie, je pense à Maldini, Pirlo, Buffon. Des joueurs merveilleu­x mais aussi des hommes bons.

Vous n’avez jamais joué en Italie, est-ce un regret ? Quand j’étais à Monaco, j’ai rencontré des émissaires de nombreux clubs italiens, que ce soit l’Inter, la Fiorentina ou la Lazio. Mais à l’époque je voulais jouer en Angleterre, ça m’attirait. C’était une philosophi­e de jeu qui me parlait, m’appelait. Je voulais aussi toucher cette vie en dehors du football presque normale, où tu peux vivre à Londres comme n’importe qui. Au final, ce n’est pas un regret de ne pas avoir évolué en Serie A. Comment jugez-vous le football italien aujourd’hui ? Le football italien revient mais il semble être encore un peu en retard au niveau des clubs. À l’exception de la Juventus, qui brille sur la scène européenne, les autres clubs ont plus de mal. J’ai tendance à croire qu’il est en baisse mais l’arrivée de nouveaux investisse­urs dans les deux clubs milanais va peut-être permettre à ces deux géants de revenir sur le devant de la scène. Au niveau de la sélection, l’équipe d’Italie a toujours été là, surtout grâce à ses valeurs défensives incarnées par la base arrière de la Juventus. C’est offensivem­ent que le pays doit se chercher des grands buteurs, c’est sans doute une question de génération.

En début d’interview vous parliez de condition physique. Où en êtesvous ? Je me suis remis au sport, j’ai perdu  kilos et je reprends, petit à petit, mon corps de sportif. Quand j’ai arrêté ma carrière en , j’avais une lassitude physique et morale. Et j’avais des douleurs insoutenab­les à la jambe droite, j’ai donc mis mon corps en jachère pendant  ans, j’ai pris du poids, je me suis régénéré sans faire de sport et ça m’a fait du bien. Et puis je me rends compte que les sportifs de haut niveau ne sont pas invincible­s. Le récent décès de Cheik Tioté d’une crise cardiaque m’interpelle car c’est très fréquent, beaucoup plus qu’à mon époque. L’accident cardiaque de David Ginola, l’an dernier, m’a également beaucoup touché. Alors j’essaie de renforcer mon corps. Pour ce genre de match, il faut faire attention, ne pas faire n’importe quoi en tirant sur la corde. On est juste là pour se faire plaisir. Il y a aura des buts mais aussi des erreurs techniques et des mecs essoufflés très vite.

Quel est votre sentiment lorsque vous retrouvez vos anciens coéquipier­s ? C’est très particulie­r car je me suis mis en marge de l’associatio­n France  pendant plus de  ans.

Monaco (1989-1997) Arsenal (1997-2000) Barcelone (2000-2001) Chelsea (2001-2004) Champion de France en 1997, champion d’Angleterre 1998, Coupe de France 1991, Coupe d’Angleterre 1998

63 sélections, 6 buts Champion du monde 1998, champion d’Europe 2000. 1re sélection le 15 août 1990 contre la Pologne (0-0).

J’avais mes raisons. Je suis revenu en décembre dernier, on a fait un repas où on était tous réuni. Et quoi qu’il arrive, ça fait toujours du bien de se retrouver. On est uni par un lien invisible jusqu’à la fin de nos vies. Ce genre de match, c’est une manière d’entretenir le lien d’amour qui nous unit aux gens. On est aussi là pour dire merci au public pour l’amour qu’il nous a donné. France , quand on est disponible, il ne faut pas hésiter à venir donner de son temps.

Vous avez été formé à Monaco, que ressentezv­ous lorsque vous revenez dans la région ? Un immense plaisir. J’aimerais y revenir plus souvent mais j’ai des obligation­s profession­nelles et personnell­es à Paris. Pour preuve, avant de venir au match de Nice, je serai en voyage d’affaires à Bangkok via Munich. Je vais débarquer de l’avion quelques heures avant le match mais j’ai coché la date depuis un moment. Je suis très impatient de me retrouver dans le vestiaire avec les gars...

Notre seule mission, être digne ”

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(Photo AFP) Que représente ce match pour vous ?

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