L’amant brutal écope d’un mois avec sursis
Àl’appel de son nom, une blonde sculpturale se présente à la barre du tribunal correctionnel. Son conjoint, pourtant cité à l’audience, est absent. Étrange affaire. Les deux examants sont à la fois prévenus et plaignants. Lui pour violences conjugales sur sa compagne. Elle pour dégradation volontaire du véhicule de son compagnon. Certes, leur relation amoureuse a été des plus tumultueuses. Tout à tour, les deux tourtereaux s’attirent puis se repoussent. En clair, ils s’aiment mais ils n’arrivent pas à se le montrer autrement que par la souffrance qu’ils s’infligent mutuellement. Le couple est aujourd’hui séparé. Car cette femme de
Beausoleil, employée de banque, était souvent battue. Elle a d’ailleurs plusieurs fois porté plainte auprès des autorités françaises. Mais rien n’a suivi. En revanche, la justice monégasque a pris en compte la vive altercation du 25 novembre 2015. Ce soir-là, son ami, restaurateur, a tenté de l’étrangler sur son bateau amarré au port Hercule. Pour se venger, elle a dégonflé les pneus du véhicule Porsche appartenant à l’amant brutal.
« Violent, jaloux, alcoolique »
Dans un premier temps, la quadragénaire endosse le rôle de plaignante, en raison de «coups reçus sur le visage, les lèvres et le cuir chevelu, déclare-t-elle en pleurant. J’avais rejoint mon compagnon sur le yacht. Une dispute a éclaté et il m’a frappé sauvagement. Ce n’était pas la première fois… » Elle tend alors au tribunal un certificat médical. « Cet homme se défend de tels gestes dans sa déclaration, note le président Florestan Bellinzona. Il assure vous avoir juste repoussée. Le matin, à son réveil, les
quatre pneus de son auto avaient été démontés. Je le cite : “Elle a jeté toutes mes affaires sur le pont et envoyé des SMS furieux. Elle est folle, hystérique. Je ne l’ai jamais étranglée. Je l’ai retenue par le cou.“Alors, pourquoi avoir attendu six mois pour déposer plainte? Pour quelle raison êtes-vous retournée avec lui entretemps ? » Par amour ? Par espoir de parvenir un jour à le changer ? C’est ce que laisse entendre cette femme qui cherchait pourtant désespérément à réunir deux caractères diamétralement opposés. Me Alice Pastor, conseil pour la partie civile, évoque « un homme violent, jaloux, alcoolique. Ma cliente voulait le quitter. Sa réponse ? Un comportement inacceptable. Un patchwork de violences pour lequel nous réclamons le versement de 10 000 euros ».
La victime devient prévenue
À la fin de la plaidoirie, changement de décor. La plaignante est convertie en prévenue pour dégradation volontaire de véhicule. Dans son réquisitoire, le procureur Cyrielle Colle analyse
avec justesse cette situation incohérente. « La séparation, en 2015, va dégénérer avec des violences intolérables. Madame fait constater les traces de coups le lendemain à l’hôpital. Toutefois, l’envoi de textos d’injures n’est pas très adapté à l’apaisement. Tout comme l’histoire de la voiture qui a dû être dépannée. » Au final : des peines d’amendes pour l’homme et pour la femme, laissées à l’appréciation du tribunal et pouvant être assorties du sursis. Me Alice Pastor change alors de camp et le ton se durcit. En défense, l’avocate se déclare «outrée par la procédure. Ma cliente vient porter
plainte contre son ex-compagnon et elle est poursuivie… Vous n’avez aucun document, aucune constatation pour la Porsche. On se limite aux seules déclarations ? Tout cela parce qu’elle a appuyé avec un stylo sur la valve? Elle se sentait en danger et c’était pour se protéger d’une éventuelle poursuite. Soyez cléments… » Le tribunal ne pouvait mieux faire dans l’indulgence : 100 euros d’amende avec sursis pour la femme. En revanche, l’homme est condamné par défaut à un mois d’emprisonnement avec sursis et 3 000 euros ont été alloués à la partie civile.