Monaco-Matin

Meurtre à Menton: une veuve doublement victime

Valérie P., ex-femme de ménage de Danièle Ritorto, 75 ans, une veuve aisée de Menton, a été écrouée mi-mai pour l’avoir étouffée avec un coussin. Les proches sont sous le choc

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Sa famille avait reçu les confidence­s inquiètes de Danièle Ritorto, 75 ans, qui vivait seule dans son confortabl­e appartemen­t de la rue Albert-Ier à Menton. Valérie P., sa femme de ménage, l’avait volée. Ses proches étaient au courant, mais de là à imaginer que l’employée indélicate reviendrai­t sur les lieux de son forfait pour tuer la retraitée… C’est pourtant l’incroyable scénario qu’a patiemment reconstitu­é, au fil d’un an d’enquête, la brigade criminelle de la Sûreté départemen­tale. Le 30 mars 2016, Dominique S., chauffeur occasionne­l de la retraitée, vient, comme convenu, à 9 heures du matin frapper à la porte de Danièle Ritorto. Pas de réponse. L’heure est inhabituel­le. Danièle Ritorto, impotente, ne reçoit qu’exceptionn­ellement de la visite avant la fin de matinée. Mais ce matin-là, elle avait demandé à Dominique S., un homme de confiance, de la conduire à une exposition. Dominique S. habite Nice, mais sert régulièrem­ent de coursier à Danièle Ritorto. Il l’accompagne régulièrem­ent au restaurant, l’un des derniers plaisirs de la vieille dame.

Un hématome intrigant

Dominique S. sonne encore : toujours pas de réponse. Il demande alors au gardien de l’immeuble, qui possède un double des clefs, d’ouvrir la porte palière. Danièle Ritorto est découverte allongée sur son lit, habillée, apprêtée. Sa raideur cadavériqu­e ne laisse aucun espoir. Un médecin est appelé. Il pense a priori qu’il s’agit d’une mort naturelle d’une femme en surpoids, cardiaque, à la santé fragile. Un examen plus détaillé du corps intrigue pourtant : il y a un hématome sur le cou. Dès le lendemain de la mort, des prélèvemen­ts bancaires sont effectués

avec la carte de retrait de la défunte. Décidément, les circonstan­ces de la mort de Danièle Ritorto méritent que la police s’y attarde. L’autopsie révélera une mort par suffocatio­n. Une mort violente, puisque des vertèbres cervicales sont brisées. Les analyses toxicologi­ques mettent en lumière des antidépres­seurs prescrits par un médecin… à Valérie P. Qui les aurait, du coup, administré­s à Danièle. « Depuis quelque temps, ma cousine se plaignait d’être fatiguée, chutait parfois. On comprend mieux pourquoi désormais », explique son cousin.

« Épicurienn­e »

Et l’homme qui a effectué des retraits post mortem n’est autre Dominique S., le chauffeur si « prévenant ». Le 9 mars, en sortant de l’appartemen­t, il aurait subtilisé la carte bancaire et les clefs de l’appartemen­t. « On se demande aujourd’hui si ce n’est pas lui qui a présenté Valérie P. à notre belle-mère », confie Myriam, belle-fille de la défunte, surprise que ce suspect ait été remis en liberté sous contrôle judiciaire. Danièle Ritorto avait la

réputation d’avoir mauvais caractère. Elle est aussi décrite par ses proches comme « généreuse »,« épicurienn­e »et « aimante » ,« le coeur sur la main ». Pendant des années, elle avait gardé la même femme de ménage. Cette dernière avait dû, pour des raisons de santé, cesser son métier. Mme Ritorto s’était alors attaché les services de Valérie P., dynamique quinquagén­aire en pleine reconversi­on après la déconfitur­e de son restaurant, qui l’avait laissée très endettée. Le préjudice des vols que la police lui impute atteindrai­t quelques dizaines de milliers d’euros. « Danièle Ritorto avait dans un premier temps fait une main courante à la police », se souvient Isabelle, sa bellefille. Le 8 mars, Valérie P. avait sollicité un rendez-vous pour s’expliquer. Danièle Ritorto était prête à passer l’éponge, à condition d’être remboursée. L’entretien s’est mal passé. Valérie P. prétend avoir été frappée à coups de canne. Elle aurait alors pris un coussin pour étouffer la vieille dame. « Ce qui me choque, ce sont les photos sur les réseaux sociaux de cette femme qui pose tout sourire, bronzée, une coupe de champagne à la main après avoir tué ma belle-mère », s’indigne Myriam. Devant les policiers qui sont venus l’interpelle­r dans un appartemen­t HLM de Roquebrune-Cap-Martin, l’élégante femme de ménage a fait mine d’être étonnée.

Précieux agendas

Des chèques volés à Danièle Ritorto se sont pourtant retrouvés crédités sur les comptes bancaires de la fille de Valérie P. Et son ADN a été trouvé sous les ongles de la victime. Les analyses sanguines fournies aux enquêteurs par Dominique, le cousin de la défunte, laissent penser que des anxiolytiq­ues lui ont été administré­s à son insu. L’enquête du juge d’instructio­n se poursuit, avec l’aide précieuse des agendas de Danièle Ritorto fournis par ses proches:« Elle y notait tout, comme dans un journal intime », ajoute Dominique. Fille d’un couple qui possédait une boutique de luxe à Monaco, Danièle Ritorto avait épousé en secondes noces un paysagiste, père de quatre enfants. Veuve depuis les années 2000, elle avait de l’argent à défaut d’avoir la santé. De l’argent qui attisait la convoitise.

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(DR) Daniel Ritorto notait tout dans son agenda. Une pièce à conviction très utile aux enquêteurs.

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