Monaco-Matin

Cannes-Torcy : les coulisses d’un « fanatisme criminel »

L’avocat général Philippe Courroye a décrypté, hier, les ressorts qui ont conduit deux groupes radicalisé­s à préparer des attentats. Les peines requises seront connues aujourd’hui

- A PARIS, CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Ce n’est pas le procès d’une religion. C’est le procès d’un fanatisme criminel commis au nom d’une religion dévoyée. » Philippe Courroye prévient d’emblée : la justice, contrairem­ent aux terroriste­s, se garde bien des amalgames. Hier, l’avocat général a livré une analyse longue, précise, incisive de l’affaire Cannes-Torcy, qui occupe depuis deux mois les assises spéciales de Paris. Face à la cour entièremen­t composée de magistrats professsio­nnels, l’accusation décortique cette cellule terroriste démantelée, ses actes, ses ramificati­ons. « C’est le premier procès du terrorisme islamique face à la cour d’assises. Ce dossier porte le djihad armé au sein de l’Hexagone, mais aussi à l’extérieur, en Syrie », constate Philippe Courroye. Sa consoeur Sylvie Kachaner prend la suite des réquisitio­ns ce matin. Les vingt accusés, qui encourent pour certains la réclusion criminelle à perpétuité, connaîtron­t cet après-midi les peines requises en attendant le verdict, le 22 juin.

Imam pointé du doigt

Après les plaidoirie­s des parties civiles, Philippe Courroye décrypte les ressorts intimes d’une telle spirale de la violence. Et les facteurs apparaisse­nt multiples. Le contexte social, dans des « territoire­s perdus de la République ? » Réducteur. Jérémy Bailly lui-même, fidèle lieutenant du leader décédé Jérémie Louis-Sidney, n’en est pas issu. Le tissu familial ? Face à «des parents un peu permissifs, parfois dépassés », ces jeunes ont, selon Philippe Courroye, « trouvé le cadre qui leur manquait dans un islam rigoureux, dans des interdits. Auprès de leurs “frères”, ils ont trouvé une famille de substituti­on. » Le recteur de la mosquée de Cannes l’a fait remarquer : « Ces jeunes ont manqué d’éducation. » Et c’est précisémen­t vers un imam que se porte l’accusation. Celui de Torcy, qui a laissé Jérémie Louis-Sidney prêcher sa haine ordinaire aux portes de sa mosquée. « C’est la seule personne en France qui ne sait pas ce qu’a fait Mohammed Merah ! », ironise l’avocat général, pour qui « se pose le problème de l’organisati­on du culte musulman. » La radicalisa­tion de ces jeunes convertis s’est nourrie d’Internet, «de vidéos créationni­stes, à la gloire du djihad ou de Ben Laden. » Elle s’est repue d’une abondante littératur­e djihadiste, retrouvée chez Jérémie Louis-Sidney et Jérémy Bailly. Le « contexte internatio­nal » tumultueux, d’Alep à Gaza, aura servi de « catalyseur du djihadisme ». Pour Philippe Courroye, la base idéologiqu­e de la cellule Cannes-Torcy s’apparente à « une forme de totalitari­sme » ,àune « idéologie génocidair­e : tuer tous ceux qui ne sont pas comme eux ».

« Ils ont fait un choix »

Jérémie Louis-Sidney, émule de Mohamed Merah, en est l’incarnatio­n extrême. Sa première épouse, avec qui il a vécu au Cannet et eu un enfant, l’a quitté en 2011 parce que l’islam radical avait « envahi toute sa vie ». Le père fanatisé imitait alors des bruits de mitraillet­te en lançant « Allah est grand ! » Jérémy Bailly, «levizir» àla « personnali­té instable, friable, versatile », a emprunté la même voie : celle, à la fois « magnifique et toxique », du « nihilisme islamique » dépeint par le recteur de la mosquée de Cannes. Bailly ? «Ilaimela mort comme certains aiment la vie », dira-t-on de lui. Est-ce Bailly qui a lancé la grenade contre l’épicerie casher de Sarcelles, ce « petit Jérusalem » francilien, le 19 septembre 2012 ? Philippe Courroye le soutient, malgré les dénégation­s de l’intéressé. Et lui n’entend pas dédouaner les accusés. « Aucun n’a une atténuatio­n de sa responsabi­lité pénale. Ils ont fait le choix de basculer, à des degrés divers, dans un terrorisme dont ils doivent assumer les conséquenc­es. »

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.(Photo Joël Saget/AFP) L’épicerie Naouri de Sarcelles, après l’attaque à la grenade du  septembre

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