Monaco-Matin

Cancer : pourquoi certaines tumeurs recidivent-elles

Dmitry Bulavin décrypte les mécanismes biologique­s à l’origine des récidives tumorales secondaire­s à une radiothéra­pie et/ou une chimiothér­apie

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Pourquoi certaines tumeurs, après avoir été ciblées par des traitement­s aussi radicaux que la radiothéra­pie ou la chimiothér­apie, récidivent plusieurs mois, années voire décennies plus tard? Une question très simple, des réponses infiniment complexes, à l’image de la maladie ellemême. Cela fait longtemps que Dmitry Bulavin s’intéresse à cette question. De St Petersburg à Singapour, en passant par Bethesda aux États-Unis, le brillant parcours de ce médecin et chercheur russe, aujourd’hui établi à Nice (au sein de l’Ircan) est ponctué de découverte­s majeures qui, à terme, pourraient bouleverse­r la prise en charge du cancer en général.

Des cellules survivante­s

« Si les connaissan­ces sur la maladie ont beaucoup progressé au cours des dernières décennies, la chimiothér­apie cytotoxiqu­e et la radiothéra­pie restent, avec la chirurgie, les deux principale­s modalités de traitement, résume le chercheur. Or, si ces thérapies permettent d’éliminer la plupart des cellules cancéreuse­s, certaines parviennen­t à survivre. Beaucoup plus agressives, elles sont à l’origine des récidives de la tumeur et de métastases». Qu’est ce qui permet TROP D’EXCÈS ? donc à ces cellules de résister? Quel rôle la radiothéra­pie et la chimiothér­apie jouent-elles dans leur survie? « Nous avons découvert que ces cellules «résistante­s» expriment de façon anormale des gènes particulie­rs, nécessaire­s aux phases précoces du développem­ent embryonnai­re, notamment un gène nommé Oct4.» Classiquem­ent, Oct4, une fois sa mission remplie au niveau embryonnai­re, ne fait plus entendre parler de lui. Il «s’éteint» en quelque sorte. Le problème, c’est que, «sous l’action de la chimiothér­apie ou de la radiothéra­pie, il est «rallumé» transitoir­ement LE SECRET D’ACTIV’FOIE dans ces cellules. Un mécanisme dit épigénétiq­ue (le gène est modifié sans être muté, Ndlr) qui va se traduire par une réorganisa­tion et une désorganis­ation majeure de la tumeur et de son environnem­ent. Des cellules vont être génétiquem­ent reprogramm­ées pour devenir encore plus agressives. Elles pourront rester des années durant «en sommeil», avant de se réveiller sous l’effet du vieillisse­ment, ou d’un stress et être responsabl­es de rechutes.» Les études du chercheur, menées en collaborat­ion avec le Centre de lutte contre le cancer de Nice, ont essentiell­ement concerné les cancers du poumon, de la tête et du cou et les lymphomes non hodgkinien­s. Mais il est probable que d’autres types de tumeurs pourraient être concernés. À la clé de ces recherches, le développem­ent d’une approche thérapeuti­que inédite: «On peut espérer qu’en trouvant les moyens d’empêcher cette reprogramm­ation des cellules, consécutiv­e aux effets des chimios et radiothéra­pies sur les gènes, on parviendra à empêcher la survenue de récidives», note Dmitry Bulavin. Lauréat de l’appel à projets «Leader de demain en oncologie», de la Fondation ARC, Dmitry Bulavin a pu, grâce ce soutien financier important (1.4 millions d’euros), s’installer sur notre territoire. Et on ne peut que s’en réjouir! En mai dernier, la Fondation lui allouait 450000 euros supplément­aires pour l’aider à poursuivre ses recherches aux enjeux thérapeuti­ques sur un modèle expériment­al de cancer du poumon. «C’est bien, mais nous avons encore besoin d’argent pour faire aboutir nos travaux», commente le chercheur. Pour la plupart des scientifiq­ues, trouver de l’argent reste le défi majeur à relever.

 ??  ??
 ?? (Photo N. C.) ?? Médecin et chercheur, Dmitry Bulavin a choisi Nice pour poursuivre ses travaux.
(Photo N. C.) Médecin et chercheur, Dmitry Bulavin a choisi Nice pour poursuivre ses travaux.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco