Comment la pornographie a redéfini les préliminaires
Baisers et caresses, préliminaires sexuels traditionnels, cèdent le pas aux rapports buccogénitaux :l’influence des images pornographiques, largement « consommées » par les jeunes
Lorsque nous demandons à nos jeunes patient(e)s ce que signifient pour eux (elles) les préliminaires sexuels, ils nous répondent souvent : fellation et cunnilingus. Il est moins fréquent qu’ils évoquent les baisers ou les caresses », témoigne le Dr Carol Burté, vice-présidente du Syndicat national des médecins sexologues. Baisers et caresses, considérés jusque-là comme indispensables aux préliminaires sexuels, céderaient ainsi du terrain au profit des rapports bucco-génitaux, désormais au menu de nombreuses rencontres sexuelles. Sans porter de jugement moral sur cette évolution, le Dr Burté pointe quelques risques, pour les jeunes femmes en particulier : « La plupart d’entre elles ont besoin d’un temps de lâcher prise avant de pouvoir éprouver un ressenti physique et émotionnel, leurs organes génitaux n’étant pas sensibles à une stimulation directe, avant d’avoir atteint un certain degré d’excitation sexuelle. Par ailleurs, faire une fellation n’est pas en soi capable de déclencher des réactions corporelles chez une femme. Aussi, la pénétration qui s’en suivra pourra être inconfortable, voire à l’origine de douleurs et perturber ainsi le plaisir sexuel. » Les jeunes filles ne sont pas les seules à faire les frais de cette évolution des pratiques. Les hommes peuvent aussi avoir à pâtir de la banalisation des rapports bucco-génitaux – que d’aucuns ne considèrent même plus comme un acte sexuel. « Les partenaires ont tendance à porter une attention excessive à la pénétration, celle-ci étant considérée comme le seul « vrai » rapport sexuel. » Les performances sexuelles se mesurent dès lors à l’aune de la qualité de l’érection, de la taille de la verge ou encore de la durée de pénétration. « C’est particulièrement pénalisant pour les hommes jeunes, très sensibles aux remarques négatives de leurs partenaires. Même à cet âge, ils risquent de développer des troubles de l’érection ou de l’éjaculation. »
La pornographie comme référence
Mais qu’est ce qui a donc conduit les jeunes à bouder les préliminaires traditionnels, baisers et caresses, au profit de jeux plus « hard » ? « Beaucoup de jeunes sont dans le paraître, analyse Carol Burté. Leur apparence, leurs comportements, et jusqu’à leur sexualité sont influencés par l’image. Et, concernant le sexe, les seules images auxquelles ils peuvent se référer sont celles de la pornographie. Les comportements qu’ils nous décrivent sont calqués sur ce qu’elles leur montrent ». Tout ceci étant facilité par un accès désormais illimité et instantané à des sites pornographiques gratuits. Grâce à Internet, les jeunes peuvent désormais plonger en quelques secondes dans l’univers très « cru » et parfois même violent de la pornographie. Selon un récent sondage Ifop, à 15 ans, la moitié des adolescents ont déjà vu un film X et ils sont aussi nombreux à confier avoir tenté de reproduire des scènes vues dans ces films pornographiques. Si les images qui se présentent à eux ne vont pas forcément modéliser leur comportement sexuel, il est incontestable qu’elles l’influencent ; et la pratique de la fellation – très présente dans
les films X –, comme un préliminaire normal à toute relation, en témoigne. « Il est dommage qu’en 2017, il n’y ait toujours pas d’éducation à la sexualité dans les collèges ou les lycées, en dehors de quelques heures dédiées aux connaissances de base sur la contraception et les infections sexuellement transmissibles. Aujourd’hui, rien de ce qui concerne la vie sexuelle n’est évoqué, ni par les adultes référents (famille, professeurs...) ni par les pairs et encore moins par le corps médical. » L’éducation sexuelle est ainsi déléguée à Internet, avec les risques que nul ne peut ignorer.
« La moitié des ados tentent de reproduire des scènes vues dans des films X »