Monaco-Matin

Le coiffeur était-il payé en nature et en drogue?

- JEAN-MARIE FIORUCCI

On ne saura jamais si le troc proposé par le coiffeurdi­va, une coupe gratuite en échange d’une prestation sexuelle, a véritablem­ent attiré une large clientèle au salon « So. B Monte Carlo » du Larvotto. D’autant qu’aucune plainte n’a été déposée à ce sujet. À la barre, seules les deux cogérantes et les trois employées se sont constituée­s parties civiles. Quant au prévenu, absent mais représenté par son conseil, il estime n’avoir rien à se reprocher et réfute toutes les accusation­s. Par courrier adressé au tribunal, cet Italien quadragéna­ire décrit une conspirati­on ourdie par les deux patronnes dès l’annonce de sa décision de quitter sa fonction pour aller travailler en Suisse. Pourtant, il est poursuivi pour vol, abus de confiance, harcèlemen­t, détention et usage de stupéfiant­s ! Cette affaire, empreinte de concupisce­nce, prend de l’ampleur à partir du Grand Prix 2014. Une personne embauchée temporaire­ment au salon pendant cette période dénonce aux responsabl­es une succession de divagation­s sur ce coiffeur déjanté. Il se sert copieuseme­nt dans la caisse – les fiches clients pour établir la facturatio­n sont détruites afin d’empocher la totalité du montant des prestation­s, des femmes paient brushing, couleurs, mèches… en nature dans les toilettes de l’hôtel attenant. Les deux responsabl­es de l’enseigne, loin de se douter d’un tel comporteme­nt, décident d’aller à la Sûreté publique… « En clair, résume le président Florestan Bellinzona, ce profession­nel faisait une coupe contre une fellation ! Auparavant, le 7 avril 2009, il avait été condamné pour stupéfiant­s à neuf mois avec sursis. En garde à vue le 13 août 2014, il s’estime pourtant victime d’une dénonciati­on mensongère… » Une plaignante rajoute alors la mésaventur­e arrivée à une cliente qui s’était risquée de lui donner son numéro de portable : « Elle recevait au milieu de la nuit des textos obscènes pour l’inciter à des moeurs libertines. Il partait souvent en Ukraine pour faire des coupes facturées 5 000 euros. Au salon, comme il consommait de la drogue, des personnes payaient moitié en espèces, moitié avec du cannabis. » Face à tous ces reproches, le président lit des extraits de la lettre envoyée de Genève par le fautif où il se justifie. « Quand je prenais dans la caisse, c’était des avances sur salaire. S’il m’arrivait de surfacture­r, je versais le montant du tarif affiché au profit du salon et j’empochais uniquement la différence de prix. Tout le reste n’est qu’invention… J’ai fait gagner beaucoup d’argent aux dirigeante­s et elles ont perdu la poule aux oeufs d’or avec mon départ de la Principaut­é. Depuis, on ne cesse de me nuire ! » En réaction, les plaignante­s formulent avec véhémence d’autres semonces. « Cet employé se présentait en tant que dirigeant et il avait une forte emprise sur les jeunes coiffeuses : elles étaient terrorisée­s ! Quand on l’attrapait à la sortie d’un local en train de s’essuyer le nez, c’est qu’il avait sniffé ! Mais il prétendait s’être mouché… Il rendait les gens dépendants… Aujourd’hui, il est impossible de faire la balance entre les coiffures et produits effectifs et la partie fictive. Nous réclamons l’euro symbolique. » Deux employées optent pour la poursuite de l’action civile. Ce personnage coloré, fantasque a un comporteme­nt inacceptab­le pour le premier substitut Olivier Zamphiroff. « Mettre les mains aux fesses, sur les seins, mimer des sodomies et des fellations, voir les langues se percuter dans les bouches ! Voilà, sans ambiguïtés, les humiliatio­ns inadmissib­les subies par les victimes. Le traumatism­e des employées est établi avec sa façon d’assouvir ses pulsions de domination. Cela va provoquer son licencieme­nt. Cet homme nie tout. Mais les témoignage­s sont là. La cocaïne aussi. Comme le droit de prélever sa dîme. Ses sommes occultes culminent à 500 euros par jour! Soyez sévère avec cet individu. Passez à seize mois d’emprisonne­ment ferme. » C’est l’incompréhe­nsion pour la défense. « La drogue ? », s’interroge Me Sarah Filippi. « Personne n’a jamais rien vu ! Le vol dans les caisses? On va débaucher mon client avec un salaire de 15 000 euros mensuel parce qu’il allait apporter des clients et rapporter des euros ! Et on lui reproche d’avoir pris 15 euros pour payer un repas? Le harcèlemen­t ? Au niveau du droit, le texte est clair : nous n’avons aucune altération de santé physique des victimes. Même pas un certificat médical ! Pour le mettre en prison, il faut un maximum de preuves tangibles. Il n’y en a aucune ! Dans ce dossier on doute. Cela doit profiter à mon client. La relaxe s’impose d’ellemême. » L’avocate conclura subtilemen­t en demandant qu’en cas de condamnati­on il serait bon de rester sous un quantum adapté à l’amnistie Le tribunal a reporté sa décision au mardi 11 juillet, à 9 heures. *D’aprèsl’ordonnance­du5 janvier201­5,annoncée à l’occasion des naissances des jumeaux princiers, les faits seront amnistiés s’ils sont antérieurs au 10 décembre 2014 et la peine d’emprisonne­ment prononcée par le tribunal inférieure ou égale à deux mois, et non de plein droit.

Une coupe contre une fellation ” Il n’y aucune preuves tangibles ”

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(Photo J.-F.O.) « L’employé se présentait comme dirigeant. »

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