Le mot «islamique» est-il tabou dans l’espace public ?
S’apprêtant à ouvrir une agence de « finance islamique » à Nice, NoorAssur, a assigné hier au tribunal administratif la Ville qui a retoqué ces termes qu’elle juge « ostentatoires » en façade
A-t-on le droit d’utiliser le mot « islamique » sur une enseigne commerciale à Nice ? Ou plutôt : a-t-on le droit de l’interdire? C’est la question que devait trancher hier le juge des référés du tribunal administratif de Nice. La société NoorAssur , qui s’apprête à ouvrir une agence dans le quartier du port, s’est vu refuser par la ville de Nice une enseigne mentionnant en façade «finance islamique ». La municipalité invoquant, pour justifier ce refus, un risque de« trouble à l’ordre public » après des incidents (certes mineurs) survenus dans deux autres succursales de l’enseigne, à Nantes et en région parisienne (Nice-Matin du 1er juin).
« Discrimination »
Pour contester ce refus au nom de sa cliente, Sonia Mariji, fondatrice de NoorAssur, Me Patrice Spinosi, un ténor parisien, essaie de prolonger le débat sur le burkini, né l’été dernier dans cette même salle d’audience. « Le Conseil d’État, le 26 août, avait été très clair: le trouble à l’ordre public est susceptible d’être invoqué s’il est avéré, et non s’il est supposé. » Et d’accuser la ville de Nice de « discrimination » : « Elle ne veut pas interdire la finance islamique, qui est légale et même encouragée par le gouvernement.
Elle veut seulement interdire l’affichage du terme. Je ne veux pas croire qu’ici, à Nice, les gens fassent la confusion entre islamique et islamiste. »
« Connotation particulière »
L’avocat de la ville de Nice, Me Simon Daboussy, balaie d’un revers de manche l’accusation : « Parler de discrimination est un amalgame honteux. On ne peut
pas nier qu’ici, surtout après l’attentat qui a frappé la Ville l’an dernier, et à quelques jours des commémorations du 14-Juillet, le terme “islamique” revêt une connotation particulière. Le fait de l’afficher de façon ostentatoire sur la façade est problématique. » La décision a été mise en délibéré à une date non précisée.