Monaco-Matin

Poings chauds

Didier Digard porte un regard affectueux et lucide sur le parcours d’un club qu’il n’a pas oublié

- VINCENT MENICHINI

Ça va cogner ce soir lors du Monte-Carlo Fighting Trophy, salle Gaston-Médecin au Louis-II. Sept combats sont au programme. Show !

Deux ans après son départ de l’OGC Nice, Didier Digard n’a rien oublié. Les souvenirs en rouge et noir sont toujours aussi vivaces. Si le Gym a pris son envol, c’est en partie grâce à ceux qui ont effectué le « sale » boulot. L’ancien capitaine entre dans cette caste. Opéré des ligaments croisés du genou gauche en octobre dernier, alors qu’il était prêté par le Bétis Séville à Osasuna, “DD” est dans l’attente d’un nouveau challenge. A un an de la fin de son contrat avec le club andalou, il espère trouver un accord pour le résilier. Hier matin, du côté de Monaco, il nous a reçus pour parler de tout ça. Il était en famille et avait plein de choses sur le coeur. Extraits.

La vie en Espagne : « J’ai adoré »

« C’est fantastiqu­e. J’ai adoré. Malgré les blessures, j’y étais épanoui. Ça m’a aidé. Les gens sont adorables. J’ai vécu dans le sud, à Séville, et dans le nord, à Pampelune. Ça n’a rien à voir, les mentalités diffèrent, un peu comme en France. Séville, c’est une ville à part. Il fait super chaud. Avant  heures, il ne se passe rien en ville. Si tu as rendez-vous avec quelqu’un, ça ne sert à rien de s’y rendre à l’heure, il n’y sera jamais (rires). C’est tranquille, sans stress. Dans le nord, c’est un tout autre style de vie, mais c’est très agréable également. C’est très famille. Grâce au foot, je parle désormais anglais et espagnol, alors que ça ne m’avait jamais intéressé plus jeune. J’incite mes enfants à faire des efforts. Du coup, mon fils, il se balade en anglais (sourires) .»

Le choix du Bétis Séville :

« Jamais regretté » « Je n’ai jamais regretté. Cela ne veut pas dire, non plus, que c’était un bon choix, mais j’avais le besoin de voir autre chose. C’est une expérience enrichissa­nte. Ça me servira dans ma vie future. Sur le plan sportif, tout ne s’est pas déroulé comme prévu. L’entraîneur et le directeur sportif qui m’ont fait venir ont quitté le club très rapidement. J’ai été mis de côté, sans explicatio­n. Même mes coéquipier­s étaient confus de ce qui m’arrivait. Ils ne comprenaie­nt pas. Je n’avais jamais connu ça. Je ne maîtrisais rien. »

Les croisés avec Osasuna en octobre  : « Dur trente secondes » « Ça a été dur trente secondes. Ce n’est que le lendemain que le diagnostic est tombé. J’ai vu à la tête du docteur que j’en avais pour un moment. Je sortais d’une saison compliquée, où j’avais très peu joué. A Osasuna, ça se passait super bien, je m’éclatais. Se dire que c’était terminé, ça m’a fait mal, mais honnêtemen­t trente secondes. Je n’avais pas le droit de me lamenter. »

Sa force de caractère : « Le foot, est-ce la vraie vie ? » « J’ai vécu des moments très difficiles dans ma vie. Cela me permet de relativise­r assez rapidement au niveau du football. Franchemen­t, les blessures, ce n’est rien. Quand on me demande si je doute ou autre, je réponds que chaque matin j’ai la chance de me lever, en compagnie de ma femme et de mes enfants pour aller à l’entraîneme­nt. Ok, je ne joue pas le week-end, mais il y a plus grave, non ? Le foot, j’adore ça, mais estce la vraie vie ? J’en parlais récemment avec Steve (Mandanda). Il a connu ses premières galères avec une blessure et une mise à l’écart à Crystal Palace. Je lui ai permis de relativise­r. Quand j’ai enterré mon frère, il était là. Dans le foot, on a beaucoup de mal à prendre du recul. On a tout. On est coupé de la réalité. C’est un milieu complexe. »

Son goût pour les autres : « Comme ça depuis gosse » « Je me suis souvent mis devant pour protéger les autres. A Nice, ça a parfois été chaud. On a pu me reprocher mon niveau de jeu, mais mon investisse­ment, lui, ne pourra jamais être remis en cause. Je suis toujours allé au front pour les autres. C’est en moi, je fonctionne de la sorte depuis gosse. J’aurais pu laisser pourrir certaines situations, me cacher, en espérant qu’ils m’applaudiss­ent toujours autant. Mais aujourd’hui, je peux me rendre au stade, la tête haute. Je préférerai toujours ça plutôt que de me sentir mal devant ma glace. »

Les années OGC Nice :

« Un seul regret » « Cinq ans et demi. J’ai un seul regret, celui de ne pas avoir pu profiter de la fin. J’ai récupéré un cadre à la sortie du bus, à deux heures du matin. L’ambiance était un peu spéciale, mais le but du maintien (contre Lens), personne ne me l’enlèvera (sourires). J’ai tissé des liens très forts dans ce club avec René (Marsiglia), avec Fred (Gioria) que j’ai souvent au téléphone, avec Alex (Dellal), Nabil, le staff médical et tous les autres. Ils font partie de ma vie. »

René Marsiglia : « Un vrai exemple » « On s’est croisé au Havre. J’étais au centre de formation (-), lui en charge de la réserve. A l’époque, tous ceux qui l’avaient côtoyé me disaient que je me serais régalé avec lui. Du coup, je n’ai jamais cessé de suivre son parcours, avant qu’on se retrouve à Nice. J’ai alors très vite compris pourquoi on me répétait que je m’épanouirai­s avec lui. Quand il a repris l’équipe, il m’a appelé après la séance. Il voulait mon ressenti. Ça a collé tout de suite. On était en mission. Il est passé au-dessus de la maladie pour entraîner des mecs. Ça, c’est de l’altruisme. Il s’investissa­it comme personne. Il était un vrai exemple. » Le sauvetage en  : « Sans René, le club

est en Ligue  » « Si ce n’est pas René, le club est en Ligue . Il me faisait confiance. On avançait dans la même direction. Sans ce côté humain qu’il avait, on allait droit dans le mur. J’ai dû le convaincre sur certains choix, quitte à me mettre en danger. Je lui ai parfois dit : “Coach, il faut le faire jouer lui, même s’il a fait une connerie !” Je voulais juste gagner. J’aime bien entendre qu’il faut des garçons exemplaire­s, etc. Or, je préfère me maintenir avec des têtes de con, que descendre avec des bons gars. On n’en parle jamais, mais l’arrivée de Christian Schmidt (préparateu­r physique) nous a fait beaucoup de bien. J’ai réussi à imposer des joueurs, mais ils n’avaient pas intérêt de me trahir. J’étais prêt à les frapper après le match si ça ne se passait pas bien... Je me rappelle des coups de gueule de Fred (Gioria). Après un match, il avait craqué et nous avait insultés. Il a eu des mots durs, mais personne ne lui en a tenu rigueur. Il l’a fait par amour pour le club. Comment lui en vouloir ? Fred, c’est le meilleur adjoint de Ligue . »

L’évolution du club : « Dante,

Balotelli, ça change tout » « Je parlais souvent avec le président Rivère. Il a compris que s’il voulait des résultats réguliers, il fallait investir. Ça ne s’est pas fait quand j’étais là. Quand vous avez la possibilit­é de faire des joueurs comme Ben Arfa, Belhanda, Balotelli ou Dante, ça change tout. A côté de ça, il y a une cellule de recrutemen­t qui est phénoménal­e. Faire des gars comme Seri, Dalbert, Ricardo, c’est super fort. Les gens qui la composent, à commencer par Serge (Recordier) et Jean-Philippe (Mattio), ils peuvent signer où ils veulent, ils sont trop forts. On parle du FC Séville, de Dortmund, mais ce que fait Nice, avec moins de moyens, c’est exceptionn­el. C’est un club qui bosse. Un gars comme Julien Fournier (directeur général), t’aimes ou t’aimes pas, mais ça bosse. On ne peut pas lui reprocher grand-chose. Il bosse et fait bosser. Il a réveillé tout le monde, alors que c’est un club qui était un peu à la cool. J’espère juste que Nice garde son côté humain. C’est essentiel. »

La fin de l’aventure : « Je n’aurais dû écouter que moi »

« Je n’aurais dû écouter que moi. Du coup, ma relation avec le président Rivère s’est refroidie. A l’époque, j’avais parlé de manque de respect. Je ne le perçois plus de la même façon aujourd’hui. Sur le moment, il y avait de l’énervement, de la frustratio­n. Il y avait certes une baisse de salaire, mais ça me suffisait largement pour vivre. Je ne pensais pas que l’herbe allait être plus verte ailleurs. Le plus dommageabl­e, c’est d’avoir coupé les ponts par la suite, notamment avec le président, alors que j’ai traversé de vraies épreuves. Un petit message, ce n’est pas grand-chose. Mais on en parlera tranquille­ment un jour. »

Kévin Anin : « Il a accepté

son handicap » « Je suis en contact permanent avec lui. Il avance après avoir accepté son handicap (il est paraplégiq­ue depuis un accident de la route en juin , ndlr). Il s’est fait une raison. Les gens autour de lui vont mieux également. Il m’a vu dans l’émission Le Vestiaire (diffusée sur SFR Sport). Il a adoré le concept. Je lui ai dit : “Fais-le !” Il voulait qu’on la fasse ensemble. J’ai tout organisé pour que ce soit possible. Des projets pour lui, j’en ai plein. Mais il ne faut pas le brusquer. Qu’il fasse cette émission (ce soir, en direct sur SFR Sport), c’est une nouvelle étape de franchie. Tout sera mis en oeuvre pour qu’il se sente bien. »

L’avenir : « Prendre du plaisir » « Il me reste un an de contrat avec le Bétis. On discute pour trouver une solution. Pour l’instant, c’est plutôt calme. Je ne me sens pas du tout usé (il aura  ans le  juillet). J’ai juste envie de prendre du plaisir, de profiter. Mes prétention­s salariales ne sont plus les mêmes. C’est logique. »

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