Migrants: les identitaires à l’abordage des ONG?
L’ultra-droite se réunit ce soir à Nice pour relancer sa très contestée mission : Defend Europe. Objectif : lever des fonds pour « empêcher » les humanitaires de prendre en charge les réfugiés
Ni la campagne de haine des médias, ni le gel de notre compte PayPal ne nous arrêteront »… Les identitaires sont plus motivés que jamais à se mettre en travers de la route de ce qu’ils appellent « la grande invasion ». Jusque-là, ils se contentaient de mots. Ils passent désormais à l’action et veulent affréter un bateau pour « entraver » le sauvetage en mer des réfugiés. À Nice, ce soir, les militants azuréens du groupuscule d’extrême droite se réunissent dans leur QG quasi-confidentiel, lou Bastioun, pour détailler leur « mission » : Defend Europe. Et annoncer ce qui est pour eux une « grande nouvelle » : « Ça y est nous avons enfin un navire » ! Dans « trente jours », écrivent, sur leur site, les activistes de l’ultradroite vont, « pouvoir commencer » et lancer le «bateau patriote» en Méditerranée.
« Chaque jour l’invasion »
Génération identitaire veut « contrecarrer les bateaux des contrebandiers humains »… Mais elle ne parle pas des passeurs et pointe bien du doigt les… humanitaires, les ONG (organisations non gouvernementales). Car pour ces militants xénophobes, «Chaque semaine, chaque jour, chaque heure, une invasion se déroule sous nos yeux. » Ce soir, les sympathisants de la droite la plus radicale entendent donc trouver un moyen pour continuer à lever des fonds afin de mener à bien leur « mission ». Car la levée de boucliers de certaines associations, comme la Ligue des Droits de l’homme a, quelque peu, contrecarré leur plan. Fin mai, alors qu’ils lançaient l’opération
en organisant un financement participatif via PayPal – une plateforme de paiement en ligne – la mobilisation avait permis de fermer la cagnotte de ces justiciers anti-étrangers. Selon différentes sources, les identitaires ont récolté entre 50 000 et 70 000 euros. Mais ce n’était pas suffisant… Ils avaient aussi ouvert une souscription auprès du Crédit mutuel. Mais une pétition a conduit à la fermeture du compte sur décision de la banque elle-même, au motif que «Cela ne correspond pas aux valeurs que l’on attend d’une association cliente. »
Procédure de signalement
Par ailleurs, une procédure de signalement est engagée à l’encontre du groupuscule par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme
et la haine anti-LGBT, la Dilcra. Jusqu’où sont-ils prêts à aller pour empêcher le sauvetage des migrants et enclencher la « remigration », comme ils disent ? « Jusqu’à tenir tête aux ONG », revendiquentils sur leur site internet. Ils nuancent cependant : « Si nous rencontrions des clandestins en détresse, nous leur viendrions bien évidemment en aide»… Et aider les migrants pour les identitaires, signifie : « Les raccompagner jusqu’aux côtes africaines. » Pour la Dilcra, une telle initiative relève de la « provocation à la discrimination à l’égard de personnes ou d’un groupe à raison de leur origine. » Mais aussi « d’association de malfaiteurs en vue de commettre le délit d’entrave aux mesures d’assistance et de secours », passible en France de dix ans de prison et 150 000 euros d’amende. Le président de l’association Tous
citoyens ! s’offusque : « Defend Europe est un projet extrêmement dangereux et qui laisse craindre le pire. » Surtout, David Nakache s’inquiète : « Concrètement, en mer, que se passera-t-il ? Ils disent avoir la volonté de ramener les réfugiés sur les côtes africaines pour protéger l’Europe, mais comment ? Par la contrainte ? Par la force ? Une telle opération est la porte ouverte à toutes les dérives, toutes les exactions et toutes les violences. » Quant à la soirée de levée de fonds au Bastioun, «il s’agit ni plus ni moins que d’un appel à la haine et à la violence », dénonce David Nakache.
«Interdire la réunion»
L’associatif demande « au préfet des Alpes-Maritimes d’interdire la tenue de cette soirée et d’engager le processus de dissolution de Génération identitaire Nice. » De son côté, Teresa Maffeis, présidente de l’Association pour la démocratie à Nice, très impliquée aux côtés des réfugiés, fait part de son effroi: «Comment peut-on avoir ne serait-ce que l’idée de faire une chose pareille et s’en prendre à des bateaux qui sauvent des êtres humains ? » La dame toujours vêtue de vert espère « que personne ne laissera faire. » La préfecture des Alpes-Maritimes n’a, de son côté, pas souhaité réagir.