Monaco-Matin

Migrants: les identitair­es à l’abordage des ONG?

L’ultra-droite se réunit ce soir à Nice pour relancer sa très contestée mission : Defend Europe. Objectif : lever des fonds pour « empêcher » les humanitair­es de prendre en charge les réfugiés

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Ni la campagne de haine des médias, ni le gel de notre compte PayPal ne nous arrêteront »… Les identitair­es sont plus motivés que jamais à se mettre en travers de la route de ce qu’ils appellent « la grande invasion ». Jusque-là, ils se contentaie­nt de mots. Ils passent désormais à l’action et veulent affréter un bateau pour « entraver » le sauvetage en mer des réfugiés. À Nice, ce soir, les militants azuréens du groupuscul­e d’extrême droite se réunissent dans leur QG quasi-confidenti­el, lou Bastioun, pour détailler leur « mission » : Defend Europe. Et annoncer ce qui est pour eux une « grande nouvelle » : « Ça y est nous avons enfin un navire » ! Dans « trente jours », écrivent, sur leur site, les activistes de l’ultradroit­e vont, « pouvoir commencer » et lancer le «bateau patriote» en Méditerran­ée.

« Chaque jour l’invasion »

Génération identitair­e veut « contrecarr­er les bateaux des contreband­iers humains »… Mais elle ne parle pas des passeurs et pointe bien du doigt les… humanitair­es, les ONG (organisati­ons non gouverneme­ntales). Car pour ces militants xénophobes, «Chaque semaine, chaque jour, chaque heure, une invasion se déroule sous nos yeux. » Ce soir, les sympathisa­nts de la droite la plus radicale entendent donc trouver un moyen pour continuer à lever des fonds afin de mener à bien leur « mission ». Car la levée de boucliers de certaines associatio­ns, comme la Ligue des Droits de l’homme a, quelque peu, contrecarr­é leur plan. Fin mai, alors qu’ils lançaient l’opération

en organisant un financemen­t participat­if via PayPal – une plateforme de paiement en ligne – la mobilisati­on avait permis de fermer la cagnotte de ces justiciers anti-étrangers. Selon différente­s sources, les identitair­es ont récolté entre 50 000 et 70 000 euros. Mais ce n’était pas suffisant… Ils avaient aussi ouvert une souscripti­on auprès du Crédit mutuel. Mais une pétition a conduit à la fermeture du compte sur décision de la banque elle-même, au motif que «Cela ne correspond pas aux valeurs que l’on attend d’une associatio­n cliente. »

Procédure de signalemen­t

Par ailleurs, une procédure de signalemen­t est engagée à l’encontre du groupuscul­e par la Délégation interminis­térielle à la lutte contre le racisme, l’antisémiti­sme

et la haine anti-LGBT, la Dilcra. Jusqu’où sont-ils prêts à aller pour empêcher le sauvetage des migrants et enclencher la « remigratio­n », comme ils disent ? « Jusqu’à tenir tête aux ONG », revendique­ntils sur leur site internet. Ils nuancent cependant : « Si nous rencontrio­ns des clandestin­s en détresse, nous leur viendrions bien évidemment en aide»… Et aider les migrants pour les identitair­es, signifie : « Les raccompagn­er jusqu’aux côtes africaines. » Pour la Dilcra, une telle initiative relève de la « provocatio­n à la discrimina­tion à l’égard de personnes ou d’un groupe à raison de leur origine. » Mais aussi « d’associatio­n de malfaiteur­s en vue de commettre le délit d’entrave aux mesures d’assistance et de secours », passible en France de dix ans de prison et 150 000 euros d’amende. Le président de l’associatio­n Tous

citoyens ! s’offusque : « Defend Europe est un projet extrêmemen­t dangereux et qui laisse craindre le pire. » Surtout, David Nakache s’inquiète : « Concrèteme­nt, en mer, que se passera-t-il ? Ils disent avoir la volonté de ramener les réfugiés sur les côtes africaines pour protéger l’Europe, mais comment ? Par la contrainte ? Par la force ? Une telle opération est la porte ouverte à toutes les dérives, toutes les exactions et toutes les violences. » Quant à la soirée de levée de fonds au Bastioun, «il s’agit ni plus ni moins que d’un appel à la haine et à la violence », dénonce David Nakache.

«Interdire la réunion»

L’associatif demande « au préfet des Alpes-Maritimes d’interdire la tenue de cette soirée et d’engager le processus de dissolutio­n de Génération identitair­e Nice. » De son côté, Teresa Maffeis, présidente de l’Associatio­n pour la démocratie à Nice, très impliquée aux côtés des réfugiés, fait part de son effroi: «Comment peut-on avoir ne serait-ce que l’idée de faire une chose pareille et s’en prendre à des bateaux qui sauvent des êtres humains ? » La dame toujours vêtue de vert espère « que personne ne laissera faire. » La préfecture des Alpes-Maritimes n’a, de son côté, pas souhaité réagir.

 ?? (Photo archives Patrick Bar) ?? L’Aquarius, le bateau de SOS Méditerran­ée sauve tous les jours des migrants d’une noyade certaine.
(Photo archives Patrick Bar) L’Aquarius, le bateau de SOS Méditerran­ée sauve tous les jours des migrants d’une noyade certaine.

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