Monaco-Matin

L’anti-Hollande

- Par CLAUDE WEILL

Souvenir d’un échange avec Emmanuel Macron, dans un salon de l’Elysée, dont il était alors le

secrétaire-général adjoint. « Je ne comprends rien à ce que fait Hollande… Dommage, j’espérais que vous m’expliquiez. Je n’y comprends rien non plus » C’était dit avec ce sourire de connivence et cette ironie dans le regard qui sont la marque d’Emmanuel Macron en privé. L’échange faisait allusion à je ne sais quelle initiative du président Hollande, dont l’habileté tactique – un pas en avant, un pas en arrière – se retournait une fois de plus contre lui. Dans ce « moinonplus » , il y avait toute l’impatience du conseiller Macron devant les atermoieme­nts de son patron et son obstinatio­n à toujours chercher un point d’équilibre qui toujours se dérobait. Tout homme se construit plus ou moins par rapport à son père. Par imitation ou par opposition. Macron a choisi la deuxième voie. Que Hollande soit le père politique de Macron, c’est un fait. Il lui a mis le pied à l’étrier et lui a offert, sans le vouloir, la base politique – Bercy – dont le jeune homme fera une rampe de lancement. Sur le fond, le

« en même temps » macronien, qui emprunte à la gauche et à la droite, n’est pas si éloigné de la synthèse social-libérale à laquelle Hollande a vainement essayé de convertir les socialiste­s. Sur la méthode, le style, l’exercice du pouvoir, en revanche, on peut dire que Macron s’applique à faire le contraire de son prédécesse­ur. Le post-hollandism­e est aussi un anti-hollandism­e. Hollande, au fond, n’a jamais vraiment endossé la dimension monarchiqu­e de la fonction présidenti­elle (hormis, bien sûr, face à la tragédie du terrorisme). Macron l’assume et la revendique. Il veut même la restaurer. Comparez les portraits officiels : Macron agrippé à son bureau, entre les drapeaux français et européen ; Hollande, saisi par Depardon au fond du parc, l’Elysée en arrièrepla­n lointain, comme s’il ne faisait que passer. Hollande a tenté d’incarner une présidence « normale », accessible, scandinave. Macron a choisi de composer un personnage tout en distance et en verticalit­é. « Jupitérien », selon le cliché en vogue. Hollande usait et abusait de l’humour et de la pirouette. Macron s’en méfie (rare incursion sur ce terrain, la blague sur les kwassas kwassas de Mayotte était pour le moins malvenue). Hollande prenait sur lui pour afficher une inaltérabl­e bonne humeur qui pouvait passer pour de la désinvoltu­re. Macron fait dans la gravité, voire la majesté. Hollande cultivait le contact direct avec les journalist­es. Macron les fuit – et même les dédaigne. Hollande s’expliquait beaucoup, « on » ou « off », et se confiait imprudemme­nt. Macron, vrai control freak (obsédé du contrôle), s’entoure de secret et cadenasse sa communicat­ion, préférant le formalisme du discours aux aléas de l’interview. Pas de causerie du  juillet, cette année ; mais dès le  juillet, une adresse solennelle au Parlement et à la Nation. Affaire de style, dira-t-on? Pas seulement. Car si la politique est l’art de rendre possible le souhaitabl­e, les deux hommes s’y prennent de façons radicaleme­nt différente­s. Hollande, l’ancien premier secrétaire du PS, n’a jamais vraiment réussi à asseoir son autorité sur son camp. Cinq ans durant, il s’est échiné à changer le logiciel de sa famille politique, cherchant par petites touches, d’avancées en concession­s, à bâtir un improbable compromis social-libéral, que son aile gauche s’appliquait à saper. L’échec de cette tentative fut sa perte. Pour Macron, c’est l’exemple à ne pas suivre. Sa synthèse à lui son « ni-ni », ou son « et-et » – fait partie de la feuille de route des marcheurs. Elle n’est pas négociable. Pas plus que l’autorité du chef. Les premiers pas de la majorité macronienn­e le confirment : le président et ses hommes entendent mener leur troupe hétérogène à la baguette. Où l’on comprend que le pouvoir macronien n’est pas une résurgence des chancelant­es coalitions de troisième force de la IVe République, mais une forme paradoxale de présidenti­alisme : un césarisme modéré.

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